Assez vieux pour sortir de la cour

 

« Les amis, n’oubliez pas, on ne parle pas aux étrangers, surtout s’ils veulent vous donner des bonbons! », me disait ma mère quand j’allais jouer au parc avec mes amis. J’ai
dû avoir autour de 10 ou 12 ans à l’époque. En tout cas, j’étais assez vieux pour sortir de la cour.

parents secoursJe suis de la génération de parents-secours. Vous reconnaissez ce visuel qui était affiché dans les fenêtres de salon, les «bay windows» des maisons des quartiers résidentiels? Ce visuel aidait les enfants à savoir où aller «pour de l’aide», au besoin. Évidemment, c’était une façon de montrer «aux méchants» que les adultes du quartier se tenaient, qu’ils protégeaient leurs enfants.

 

Sortir de la cour

Je suis parent à mon tour et je m’entends parfois prononcer les paroles de ma mère à mes propres enfants. Pour qu’ils soient prudents. Pour qu’ils sachent que je les aime. Mais c’est aussi parce qu’un parent a besoin de sentir qu’il a tout fait en son pouvoir pour protéger son enfant au moment où il doit accepter qu’il ne peut pas tout contrôler. À un moment donné, l’enfant sort de la cour, va au parc, va faire une promenade à vélo avec ses amis… Ce que je veux dire c’est qu’à un moment donné, le parent est conscient qu’il ne peut plus protéger son enfant «des méchants» en tout temps. Ça, c’est un peu stressant. C’est normal.

La question que je me pose c’est : Que fait-on, que dit-on à son enfant pour le protéger «des méchants» lorsqu’il accède à Internet? Parce que de nos jours, nos enfants sortent de la cour pas mal plus jeune grâce ou à cause d’Internet. Mais on n’en est pas toujours conscient. En fait, sortir de la cour, ce n’est peut-être plus une question d’âge, d’être assez vieux.

Transition subtile à Internet

Enfant et iPad.jpegLa transition à Internet est très subtile et on ne le voit pas venir. Selon mes expériences personnelles, ça se passe à peu près comme suit. On achète une tablette pour la famille et on stimule notre jeune enfant en lui présentant des jeux, des applications sur iPad etc. Pour stimuler notre enfant. Pour son développement. À la Bébé Einstein. Éventuellement, il y a des jeux payants, des jeux en ligne, on fait de la recherche en ligne avec l’enfant pour trouver d’autres jeux, pour lui montrer des images de ses superhéros préférés, pour lui montrer des vidéos sur YouTube… Pas de danger. Le parent est toujours présent. À un moment donné, le parent est dans la même pièce que l’enfant mais l’enfant s’amuse avec la tablette, le portable ou autre outil donnant accès à Internet. Comment savoir quand l’enfant «sort de la cour»?

Dans un récent billet, je parlais de la citoyenneté numérique et de sécurité, de signalisation etc. Il n’y a pas d’affiche de parents-secours dans les écrans des ordinateurs, sur les tablettes, dans les divers sites que consultent nos enfants sans le vouloir parce qu’ils tapent leurs mots dans la barre de recherche…

Les appâts du monde en ligne

Ados avec ordis.jpegÀ l’âge de 10 ou 12 ans, l’âge de mes plus jeunes enfants, ça ressemble à cette image quand on se rencontre en famille. Qui est «sorti de la cour» dans cette image? À cet âge, les médias sociaux s’ajoutent à la liste des appâts qui poussent nos enfants à se rendre en ligne, à sortir de la cour. Sans parler des communautés de jeux en ligne, des achats à même les jeux vidéo. Comme parent, à part leur dire de faire attention, de ne pas faire de niaiseries, de ne pas installer tel ou tel jeu, de ne pas acheter tel ou tel ajout, comment pouvons-nous avoir la certitude que nous avons fait tout ce que nous devions faire pour protéger nos enfants dans le monde virtuel? Et, faut-il le rappeler, Internet offre d’innombrables aspects positifs à notre société et à nos enfants. La solution n’est pas d’interdire selon moi. L’éducation est la clé.

Quand nos enfants sont jeunes, on achète un siège d’auto afin qu’ils soient en sécurité en auto. On achète un casque, des protège-coudes, des protège-genoux, on installe une sonnette quand notre enfant monte à vélo…

famille devant ordi.jpegQuand notre enfant accède à Internet, on fait quoi? Quelle est notre stratégie universelle en tant que parent? Quel est notre équivalent de « Les amis, n’oubliez pas, on ne parle pas aux étrangers, surtout s’ils veulent vous donner des bonbons! »?

 

Je pense que c’est une question que toute notre société doit se poser, y compris le monde de l’éducation.

À mon avis, c’est une question de littératie numérique et de pensée critique. Le défi, c’est que ce sont des compétences à développer chez nous tous, y compris nos enfants. Pas aussi simple que d’acheter des protège-coudes!

Partons du connu – ÉRIMFCC

Depuis toujours les écoles enseignent la situation de communication aux élèves. Voici les 7 composantes de la situation de communication :

  1. Émetteur : personne qui émet le message
  2. Récepteur : personne qui reçoit le message
  3. Intention : intention de la personne qui émet le message
  4. Message : le message, ce qui est dit explicitement ou implicitement
  5. Forme : la forme du message (texte, lettre, vidéo, affiche)
  6. Code : le code utilisé pour communiquer le message (français, chiffres, graphiques)
  7. Contexte : les circonstances qui entourent la communication, la relation entre l’émetteur et le récepteur et leur place dans cette relation etc.

Avec l’avènement d’Internet, les 7 composantes demeurent, mais la situation de communication a changé pour nos enfants, les récepteurs. Nous ne pouvons plus contrôler quels émetteurs ont accès à eux. Quels «étrangers» peuvent leur offrir des «bonbons».

Nous devons donc plus que jamais enseigner la situation de communication à nos enfants, les outiller afin qu’ils puissent naviguer en toute sécurité dans les différents contextes du monde en ligne. Dans le monde en ligne, pour sortir de la cour, il faut être outillé. Ce n’est pas assez d’être «assez vieux».

Et si c’était possible, en collaboration avec les écoles, pourquoi ne pas bâtir ensemble, se doter d’un équivalent de parents-secours en ligne. Pour nos enfants. Qui doivent pouvoir sortir de la cour.

Quelqu’un a des idées?

 

5 Fév, 2016

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Commentaires

2 Commentaires

  1. Joannie Girard

    Excellent article! Très intéressant. Je me souviens de voir ces affiches et d’avoir la même discussion avec mes parents. Je crois qu’il serait très intéressant d’avoir une plateforme de rencontre virtuelle ou en présentiel afin d’engager les parents dans une discussion sur ces « nouveaux bonbons » qu’elles sont les dangers réels? Comment aborder cette discussion avec nos enfants? Trop souvent, je vois des parents qui vont simplement interdire à leurs enfants d’utiliser certaines applications et je ne les blâme pas. Comment protéger nos enfants contre des dangers réels qu’on ne connait pas? Il serait intéressant que les enfants puissent identifier des adultes qui peuvent les aider à répondre à leurs questions. Je crois qu’il serait possible de créer un logo qui pourrait être collé sur les ordinateurs et appareils mobiles pour indiquer que nous sommes là pour nos jeunes, pour répondre à leurs questions, les entendre et avoir des discussions ouvertes et courageuses. Nous ne pouvons pas garder nos enfants « à l’intérieur », nous ne pouvons pas identifier tous les méchants… alors, montrons-leur que nous sommes là pour eux et qu’ils ne sont pas seuls face aux dangers.

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    • Marius

      J’aime beaucoup ton idée de l’autocollant. Merci de ton commentaire Joannie 🙂

      Réponse

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