Tout le monde est un leader
La fin d’une année scolaire historique approche. Quel sera notre legs?
30 chances
«Vous n’avez pas 30 ans, vous avez 30 chances pour avoir un impact sur la vie des élèves qui vous sont confiés et sur la vie des collègues que vous côtoyez.» Je me souviens de ces paroles de Wayne Hulley qui nous expliquait qu’on peut avoir l’impression d’avoir amplement de temps pour amener un changement en éducation. J’étais conseiller pédagogique à l’époque. Monsieur Hulley nous rappelait l’importance du sentiment d’urgence. Parce que nos élèves vont et viennent, nos listes de classe changent mais nous, on reste. On reste parce qu’on a choisi d’être en éducation.
Une année scolaire historique tire à sa fin.
La fin de l’année scolaire approche. C’est la promesse de toutes les années scolaires : elles finissent. Mais quand on y pense, notre objectif premier en éducation, ce n’est pas seulement de finir l’année. On souhaite aussi, je pense, avoir un impact positif sur nos élèves. Pensez à toutes les stratégies de prévention que nous mettons habituellement en oeuvre à partir du mois de mai pour prévenir le désengagement des élèves, entre autres. C’est connu. Le mois de mai requiert pratiquement la même énergie que la rentrée scolaire pour maintenir les routines, les processus, l’engagement… Afin qu’on puisse finir ensemble. Dans les écoles qui ne le font pas, on a parfois l’impression que les élèves viennent à l’école pour regarder les adultes travailler. Je ne nous souhaite pas ça. Surtout pas cette année. Comment nos stratégies de prévention habituelles s’appliquent-elles à cette année scolaire historique qui tire à sa fin?
Quel sera notre legs?
Je réfléchis aux paroles de Monsieur Hulley et je me dis que nos élèves de cette année n’ont pas choisi le contexte dans lequel ils sont en train de finir leur année scolaire. Nous non plus d’ailleurs. Mais cette année, historique rappelons-le, représente une de ces 30 chances que nous avons. Et elle n’est pas encore terminée. C’est donc dire qu’il est encore temps de réfléchir à la dernière des 21 lois irréfutables du leadership de John C. Maxwell : la loi de l’héritage, qui se lit comme suit : «La valeur d’un leader se mesure par l’héritage qu’il laisse à son départ.» En éducation, nous avons le pouvoir de changer des vies mais ce sont nos élèves qui partent à la fin de l’année scolaire. Et nos élèves ne se souviennent pas autant du contenu enseigné que de comment ils se sont sentis en notre présence. Pensez aux profs dont vous vous souvenez le plus… Alors oui la fin approche et ma question est la suivante : Qu’avons-nous le goût de léguer à nos élèves et à nos collègues d’ici la fin de cette année scolaire historique? Vous avez des personnes en tête? Ne manquez pas votre chance!
Merci de vos commentaires 🙂
L’enseignement est un sport d’équipe!
Je n’ai pas écrit depuis un ptit bout. J’ai consacré mon énergie à ma famille (du mieux que je l’ai pu) et aux personnes que j’ai la chance d’accompagner en éducation. J’ai tellement de choses à vous raconter dans les prochains billets. Pour aujourd’hui, je vais me concentrer sur la collaboration dans nos écoles. C’est un sujet qui a été, implicitement et explicitement, au coeur de mes rencontres avec des directions et des enseignants de divers milieux au cours des derniers mois.
Où en serions-nous sans la collaboration en ce moment?
Je ne sais pas si vous allez être d’accord. Plusieurs personnes sont d’avis que si nous avons pu relever le défi de continuer à offrir une éducation à nos élèves, c’est parce que les acteurs du réseau se sont mis en mode «collaboration». Certains diraient que c’est normal puisque la pandémie ne nous a pas donné d’autre choix. Où en serions-nous présentement sans la collaboration dans nos milieux? La question se pose. Et il importe de célébrer le travail extraordinaire (il n’y a pas de mot assez élogieux) des acteurs du réseau. Or la fin de l’année approche et le réseau se prépare à un éventuel retour « à la normale ». Dans la perspective de l’après-pandémie, je pense que la collaboration sera primordiale si on souhaite vraiment relancer l’éducation, une éducation au service de tous nos élèves.
«Si tu es le meilleur prof de ton école et que tu ne contribues pas activement à la communauté d’apprentissage professionnelle, tu nuis à ton école.» Traduction libre – Richard Dufour
Le mindset d’un joueur d’équipe
Dans mon vécu, la collaboration est le moteur de l’amélioration continue en éducation. Même si l’enseignement nous amène à fermer notre porte de classe et à enseigner individuellement, l’enseignement est un sport d’équipe. Après tout, nous avons des objectifs communs et un profil de sortie de l’élève commun. C’est pourquoi les écoles se donnent différentes structures de collaboration. Mais la collaboration n’est pas tant une question de structure (lire ici recette, technique ou stratégie) qu’une question de mindset. Qu’une école adopte le mode de fonctionnement CAP, CoP, équipes de collaboration, équipes de mentorat, visites en salle de classe (Lesson Study) ou même une structure plus informelle comme la charte de l’ananas et j’en passe, l’amélioration continue, c’est d’abord une disposition. Je vous partage humblement quelques idées clés qui peuvent transformer positivement comment vous vivez la collaboration dans votre école, peu importe le mode de fonctionnement. On part ici du principe que vous ne pouvez pas contrôler comment les gens se présentent autour de la table, mais vous pouvez toujours choisir comment vous vous y présentez.
- Je veux m’améliorer : En éducation, nous oeuvrons tous dans un contexte d’amélioration continue. Je n’ai jamais vu une école ou un CS/CSS avoir un plan de maintien. Non. Tout le monde a un plan qui vise l’amélioration continue. Et je ne peux pas m’imaginer comment on peut espérer améliorer l’éducation sans un ardent désir d’amélioration continue de la part de tous les acteurs. Pour reprendre les mots de Dylan Wiliam : « Si nous créons une culture dans laquelle chaque enseignant (leader) croit qu’il doit s’améliorer, non pas parce qu’il n’est pas assez bon mais parce qu’il peut être encore meilleur, il n’y a pas de limite à ce que nous pouvons accomplir.» Je suis d’accord mais j’inclus tout le monde. Pas seulement les enseignants. Le système, c’est du monde. Si on veut améliorer le système… on commence par soi.
- Je veux contribuer : Les structures de collaboration nous permettent d’apprendre de nos collègues mais nous avons également la responsabilité de partager notre savoir expérientiel, de partager les lectures professionnelles qui nous alimentent, etc. On donne ET on reçoit. J’étais chef du secteur de Français au secondaire quand j’ai entendu Richard Dufour, le père de la CAP, prononcer ces mots : «Si tu es le meilleur prof de ton école et que tu ne contribues pas activement à la communauté d’apprentissage professionnelle, tu nuis à ton école.» Outch! Ça m’avait ébranlé. Mais j’ai compris à ce moment-là que l’éducation était un sport d’équipe. Une seule personne ne peut pas atteindre les objectifs communs de l’école. Il faut le faire ensemble. C’est là qu’on passe du «Moi» à «Nous», de «Mes» élèves à «Nos» élèves. C’est big, ça.
- Je veux savoir si nous progressons : Vous avez remarqué? J’ai dit «nous». Les structures de collaboration constituent un investissement majeur (temps, argent et ressources humaines) dont le but est l’amélioration de notre pratique et, au final, l’atteinte de nos objectifs communs. Il importe donc de vérifier si nos pratiques nous permettent de progresser en tant qu’équipe et si nos pratiques ont un impact positif sur l’apprentissage des élèves. Pour gagner la partie, une équipe a besoin de regarder le tableau de pointage une fois de temps en temps. Michal Fullan appellerait peut-être ça la reddition de compte à l’interne. Et lorsqu’on regarde la gestion sanitaire, n’est-ce pas ce qu’on fait en tant que société présentement? (Nous avons tous une opinion sur les stratégies utilisées mais un principe demeure : on s’intéresse aux données pour évaluer ce qui fonctionne ou non.)
- Je suis coachable : Être coachable, c’est être Curieux – Ouvert – Ambitieux – Confiant – Humble – Apprenant – Bienveillant – Leader – Empathique. Toutes les personnes dans votre école ont quelque chose à offrir à l’équipe et quelque chose à apprendre de l’équipe. On peut vouloir un bon coach, c’est sûr, mais il faut être coachable aussi.
Imaginez ce qui se passerait dans votre école si toutes les personnes se présentaient autour de la table avec cette disposition. Ce serait un excellent début, mais ce n’est pas tout.
On brasse les idées, pas les personnes!
Que chaque personne se présente autour de la table avec un tel mindset serait un excellent point de départ. Or il faut pouvoir dialoguer et partager nos idées. Collaborer, ça ne veut pas dire être d’accord avec tout le monde, tout le temps. Comment peut-on espérer avancer ensemble si on ne se donne pas la permission de s’exprimer librement. Les équipes efficaces comprennent l’importance de brasser des idées ensemble. Pour brasser des idées, tous les membres de l’équipe doivent être prêts à mettre leurs idées sur la table. Dans mon vécu, lorsqu’on arrive à faire ça, des idées bien ordinaires peuvent devenir extraordinaires grâce à nos collègues. Quand les membres de l’équipe comprennent qu’on brasse des idées, pas des personnes, une sorte de climat de confiance s’installe, un momentum se crée. Quand on y pense, nos collègues nous partagent toujours leurs meilleures idées. Accueillons-les avec intérêt, empathie et curiosité. Nous faisons alors attention à nos relations, mais on avance ensemble dans le meilleur intérêt de nos élèves. C’est le signe qu’un leadership partagé s’installe graduellement.
Leadership = prise de décision responsabilité
Parfois, certains réduisent le leadership partagé au partage du pouvoir décisionnel. C’est bien, mais c’est à mon humble avis incomplet. Le leadership, c’est d’abord une responsabilité. Dans le contexte de la collaboration, le leadership partagé porte fruit lorsque tous les membres de l’équipe contribuent activement à l’amélioration de l’équipe et surtout lorsque tous les membres de l’équipe acceptent la responsabilité de leurs actions et des résultats de l’équipe. C’est donc dire que la personne qui est responsable d’animer les rencontres d’équipe, quelle que soit sa fonction, ne peut pas porter à elle seule la réussite de l’équipe. Cette dernière phrase mérite d’être relue, en équipe. D’où l’importance du mindset de chacun. Ceci permet, entre autre, qu’à la fin de chaque rencontre, tous les membres de l’équipe aient choisi des prochaines étapes claires.
Que ce soit pour planifier les activités de fin d’année et pour planifier la rentrée scolaire, je vous souhaite de poursuivre votre élan de collaboration. Je vous souhaite surtout que la collaboration soit au service de relations saines avec vos collègues et au service d’une éducation toujours meilleure pour nos élèves. Rappelez-vous, l’objectif des structures de collaboration, ce n’est pas de «faire des CAP» (choisissez votre mode de fonctionnement) ou d’entrer dans le moule. Non. L’idée, c’est de regarder les principes du mode de fonctionnement choisi et de se demander comment ces principes peuvent servir à propulser le potentiel humain présent dans votre équipe.
Bon succès dans vos prochaines rencontres!
Merci de vos commentaires 🙂
3 occasions de leadership à saisir ou à créer pour garder le cap d’ici juin et pour prendre des décisions éclairées pour la rentrée
1. Encourager
Comment on fait pour savoir si quelqu’un a besoin d’encouragement? Chez escouadeÉDU, nous disons souvent à la blague qu’il n’y a qu’un critère pour savoir si une personne a besoin d’encouragement : elle respire. Si la personne respire, elle a besoin d’encouragement. Peu importe l’âge, la taille, le poste, l’expression faciale… Tout le monde a besoin d’encouragement. Dans les prochaines semaines, si vous aviez à encourager vos élèves, vos collègues ou votre personnel afin de leur rappeler qu’ils sont importants, qu’ils font une différence et qu’ils sont appréciés…
- Que diriez-vous?
- À qui le diriez-vous?
- Comment le feriez-vous?
- Quel moment ou quel contexte serait le mieux choisi?
- Quel impact positif cela pourrait-il avoir?
Dans nos efforts de continuer à avancer dans cette année scolaire différente, n’oublions pas de nous encourager entre nous. Il reste 4 mois, les amis. On ne lâche pas 🙂
2. Donner Demander de la rétroaction
Tout le monde reconnaît l’importance de la rétroaction en éducation. Dans mon vécu, je reconnais également que nous recevons rarement de la rétroaction en tant que professionnel. Pensez-y. Et si nous demandions une rétroaction des personnes dont nous sommes responsables? Après tout, nous sommes tous en apprentissage. Il importe ici de bien cerner si le potentiel de recevoir une rétroaction constructive est là. Tout passe par la relation de confiance que vous avez avec les personnes concernées. Il importe aussi de spécifier ce sur quoi nous souhaitons recevoir une rétroaction. Par exemple, je me vois très bien dire aux personnes dont je suis responsable que j’essaie d’être intentionnel dans les aspects suivants de ma pratique et que j’aimerais une rétroaction au sujet de ce qui les aide et ce que je pourrais faire autrement. Par exemple :
Bienveillance
-
- Voici comment j’essaie de faire preuve de bienveillance présentement…
- Qu’est-ce qui fonctionne bien?
- Qu’est-ce qui m’échappe? Qu’est-ce qui pourrait aider? (dans ce qui est possible)
Communication
-
- Voici ce que je fais présentement pour tenter de communiquer efficacement…
- Qu’est-ce qui fonctionne bien présentement dans ma façon de communiquer avec vous? (Contenu, Clarté, Fréquence, Format…)
- Qu’est-ce qui pourrait être amélioré? (Contenu, Clarté, Fréquence, format…)
Pédagogie / Animation
-
- Voici mes principales stratégies pédagogiques ou d’animation de rencontres présentement…
- Qu’est-ce qui répond le mieux à vos besoins?
- Qu’est-ce qui pourrait être amélioré?
Ce ne sont que quelques exemples. Chose certaine, si vous demandez de la rétroaction, vous allez en recevoir. L’idée, c’est d’ouvrir la conversation et de se rappeler que nous sommes tous en apprentissage là-dedans, même si nous n’avons pas tous les mêmes responsabilités dans le système.
« Ce que nous faisons présentement en éducation n’est rien de moins qu’extraordinaire. Il faut le reconnaître. Quand on pense à la rentrée 2021-2022, il faut aussi reconnaître que nous pouvons améliorer certaines choses. » – @bourmu
3. Consulter les experts
Nous avons appris beaucoup de choses en tant que système dans la dernière année. Une d’entre elles, c’est que personne n’était expert de l’éducation en contexte de pandémie quand tout ça a commencé. Mais après presqu’un an, il y a en de l’expertise dans le terrain. Dans sa conférence cette semaine, j’ai appris grâce à ce tweet de Audrey Miller que John Hattie disait ceci au sujet de l’expertise dans les écoles.
C’est important de parler de ce que nous avons appris dans la dernière année et de reconnaître l’expertise. Mon point de vue, c’est que les personnes qui détiennent la meilleure information pour nous aider à déterminer nos meilleures prochaines étapes dans le présent contexte, ce sont les enseignants et les élèves. Je vous invite à écouter le plus récent épisode de Tout le monde est un leader où Matthieu Leroux nous partage son expérience de cette année en tant qu’enseignant dans une école virtuelle. Ce n’est pas parce que tout le monde a des outils technologiques et qu’on a accès à l’école (en personne et/ou en ligne) que tout est rose. Ce que nous faisons présentement en éducation n’est rien de moins qu’extraordinaire. Il faut le reconnaître. Quand on pense à la rentrée 2021-2022, il faut aussi reconnaître que nous pouvons améliorer certaines choses.
Voici 10 questions qui méritent d’être posées aux experts de l’éducation en contexte de pandémie, soit les enseignants et les élèves.
Bon succès et merci de vos commentaires
Êtes-vous prêt à prendre des risques?
J’étais en train de faire cuire des ailes de poulet, en préparation pour le Super Bowl. Je réfléchissais à tout ce que ça prend pour gagner un match de football. Ça m’a amené à penser à la prise de risque. Il y a toujours un moment dans un Super Bowl où une équipe prend un risque. Un blitz au bon moment. Y aller pour un premier jeu au 4e essai. Un jeu imprévu des unités spéciales… On prend des risques pour gagner. Quel est le lien avec l’éducation? En éducation, je pense que c’est différent, la prise de risque. C’est personnel. C’est affectif. Ce qui semble risqué pour une personne peu paraître anodin pour une autre. Mais ce qui est sans équivoque, c’est qu’on vise l’apprentissage. Et pour y arriver, il faut parfois faire des choses qui nous paraissent risquées. Je vous en partage quatre qui m’ont aidé à cheminer dans ma carrière. Je vous les partage en toute humilité en espérant qu’ils seront utiles pour vous.
1. Passer de «Je sais.» à «Tu peux m’en apprendre.»
Quand j’ai commencé à enseigner, je voulais démontrer ma compétence devant mes élèves. C’était important pour moi de leur donner les «bonnes réponses». Au fil du temps, je me suis rendu compte que la profession enseignante me donnait de multiples occasions au quotidien pour démontrer ma compétence (ou mon incompétence dans certains cas). Après tout, je suis un enseignant. Au fil du temps, je me suis mis à voir les choses différemment. Mon travail, c’est de montrer aux élèves qu’ils sont capables d’apprendre et que je peux aussi apprendre d’eux. Les élèves ne sont pas des vases vides à remplir. Quand on y pense, tous les élèves dans nos classes savent des choses qu’on ne sait pas. À ça n’enlève rien à la qualité de l’enseignant (ou direction) que nous sommes. C’est normal de ne pas tout savoir. Surtout présentement. Pourtant, à un moment donné dans ma carrière, j’aurais trouvé risqué d’avouer à mes élèves qu’ils pouvaient aussi m’enseigner des choses. Imaginez le poids que ça nous enlève des épaules quand on n’a pas besoin de tout savoir. Le contexte actuel nous a permis de vivre ça. C’est normal parfois de ne pas savoir. Et imaginez la culture d’apprentissage qui peut en découler en salle de classe (ou dans son école) lorsqu’on se positionne en tant que lead apprenant. Parce que l’apprentissage le plus important, c’est d’apprendre à connaître nos élèves (notre personnel). Après tout, on enseigne quelque chose à quelqu’un. Le quelqu’un, c’est le morceau important.
Prise de risque 1 : Êtes-vous ouvert à l’idée de vous positionner en tant que lead apprenant dans votre classe ou votre école?
« Les élèves ne sont pas des vases vides à remplir. Quand on y pense, tous les élèves dans nos classes savent des choses qu’on ne sait pas. » – Marius Bourgeoys
2. Passer de «Écoute-moi quand je te parle.» à «Parle-moi de toi, ça m’intéresse.»
Il fut un temps où je croyais que mon rôle était de garder le contrôle dans ma salle de classe. La tâche de mes élèves était très simple : il n’avaient qu’à obéir (lire : m’obéir) et à faire le travail. Pour m’appuyer dans ma quête de contrôle (ça fait drôle d’écrire ça comme ça, mais c’était ma réalité) je me tenais très près du code de vie. J’en parle en détail dans «J’ai un beau groupe c’t’année!». Il n’y a rien de mal avec l’obéissance, mais je crois que c’est le plancher, pas le plafond. Le résultat : j’obtenais le minimum d’effort de la part de mes élèves et je les sentais… distants. J’aurais fait pareil, à leur place. À un moment donné, je l’ai perdu, le contrôle. Ça ne fonctionnait plus en classe. Je ne le savais pas, mais c’était moi qui avait créé ça. Un collègue m’a dit plus tard : «Si ton groupe d’élèves ne se comporte pas bien à la rentrée, ce n’est pas de ta faute. Si tes élèves ne se comportent toujours pas bien en novembre, c’est toi qui a créé ça. » Outch! Il avait raison. Pour remédier à la situation, j’ai dû me rapprocher de mes élèves. Un non-sens pour moi à ce moment-là. Je me suis intéressé sincèrement à eux. Ils sont devenus plus importants que le programme, pour vrai. C’est le risque qui a été le plus payant pour moi puisque je suis encore en éducation grâce à cela. Mais c’est aussi ce qui m’a permis d’aller tellement plus loin dans le programme. Dans le contexte actuel, je pense que c’est normal de se sentir moins près de ses élèves dans certains cas. Si vous vivez des difficultés, que la connexion wifi est bonne mais que la connexion avec les élèves l’est moins, sachez qu’il n’y a rien de mal avec vous. Mais il n’y a rien de mal avec vos élèves non-plus. Et la balle est dans votre camp. Ensemble, on va plus loin.
Prise de risque 2 : Êtes-vous prêt à vous rapprocher de vos élèves (ou de votre personnel) et à vous intéresser sincèrement à qui ils sont?
« Si ton groupe d’élèves ne se comporte pas bien à la rentrée, ce n’est pas de ta faute. Si tes élèves ne se comportent toujours pas bien en novembre, c’est toi qui a créé ça. » – Un collègue
3. Passer de «Je suis devant la classe.» à «Tu es au centre de ton apprentissage»
À mes débuts, tout ce qui se passait en classe devait passer par moi. Si je n’étais pas devant la classe en train d’expliquer, de donner des directives ou des bonnes réponses, les élèves étaient passifs ou en attente. Mes élèves étaient des spectateurs. C’était mon show. Plus le contenu était important, plus c’était primordial que mes élèves écoutent Monsieur Bourgeoys bien attentivement pendant que je leur donnais l’information dont ils avaient besoin pour réussir. Au fil du temps, j’ai appris à mobiliser mes élèves et à les outiller afin qu’ils deviennent des joueurs actifs dans leur apprentissage. Ça, ça veut dire que je devais leur enseigner des stratégies et des processus en classe afin qu’ils puissent être autonomes dans les différents environnements d’apprentissage que je leur proposais. C’était tellement plus intéressant pour eux et pour moi. Parce que je n’étais plus devant la classe! Et eux, ils devaient prendre des décisions, faire des choix et s’ajuster. C’est fou ce qu’on peut voir et entendre lorsqu’on n’est plus devant la classe et qu’on n’est pas toujours en train d’essayer de formuler clairement (dans notre tête) notre prochaine explication. Difficile de faire de la triangulation lorsqu’on est toujours devant la classe, en passant. Et c’est incroyable ce que les élèves peuvent apprendre lorsqu’ils sont actifs sur le plan cognitif. En plus, ça me permettait de jouer différents rôles, comme d’accompagner, de guider, de coacher, de questionner, d’assurer la qualité… Être devant la classe tout le temps, ça demande de l’énergie. Apprendre, ça demande d’être impliqué. Présentement, ça peut sembler risqué de lâcher prise et de permettre à ses élèves (ou à son personnel) de devenir des joueurs actifs dans leur apprentissage. Dans le contexte actuel, c’est facile d’oublier d’impliquer les élèves. Mais on va tellement plus loin quand on vise l’autonomie plutôt que l’obéissance.
Prise de risque 3 : Êtes-vous prêt à placer vos élèves (ou votre personnel) au centre de leur apprentissage?
« Difficile de faire de la triangulation lorsqu’on est toujours devant la classe. » – Marius Bourgeoys
4. Passer de «J’enseigne tout.» à «J’enseigne ce qui est essentiel.»
C’est certain que les trois premiers risques, prennent du temps. C’est un investissement important. Mais c’est ça l’éducation. Autrement, on parle tout seul et les élèves finissent par venir à l’école pour regarder les adultes travailler. Il faut donc cibler ce qui compte. En leadership, on parle souvent de l’importance d’établir les priorités. Parce qu’on ne peut pas tout faire. Il faut choisir. Dans une formation portant sur les apprentissages essentiels, un enseignant m’a déjà dit : « Ben, Marius, si on enseigne seulement les apprentissages essentiels, je n’ai pas assez de ‘stuck’ à leur donner jusqu’à la fin de l’année. » J’ai trouvé ça fantastique. Ça veut dire qu’on a le temps de prendre le temps. On a le temps de donner à nos élèves le temps dont ils ont besoin pour apprendre. Il y a aussi le risque des évaluations systémiques. On se dit : « Mais que se passera-t-il à l’examen si je n’ai pas enseigné tel concept?. » Moi, je me demande : « Que se passe-t-il en ce moment? Et que se passera-t-il si je réussis à tout couvrir mais que les élèves me regardent travailler? » Mais le risque des évaluations ministérielles n’est pas là cette année.
Prise de risque 4 : Êtes-vous prêt à cibler ce qui est essentiel afin de pouvoir prendre le temps et donner le temps?
À bien y penser, je me rends compte que j’aime bien prendre des risques parce que ça m’a toujours permis de grandir et d’avoir un meilleur impact. Tout ça, parce que j’ai écouté des collègues et je me suis fait confiance. Ça m’a aussi permis de me planter solidement à quelques reprises 🙂 Mais comme dirait John Maxwell : «Parfois on réussit. Parfois on apprend.» C’est ça, la game de l’apprentissage.
En éducation, la peur nous prive du progrès beaucoup plus que nos échecs.
C’est normal d’avoir peur de prendre des risques. Mais je pense qu’il ne faut pas laisser la peur nous empêcher de progresser.
Nous en sommes à la mi-temps et il est encore temps d’apporter des ajustements.
Êtes-vous prêt à prendre des risques?
Bon Super Bowl et bonne deuxième moitié d’année scolaire 🙂
Merci de vos commentaires
« Personne ne pourra nous arrêter. »
J’ai mis du temps à finalement écrire ce billet, mais voilà, j’y suis. Pendant la période des Fêtes, j’ai beaucoup réfléchi à mon année 2020. J’ai réfléchi à NOTRE année 2020 en tant que société. Et, bien évidemment, j’ai réfléchi à l’année qui a placé le monde de l’éducation sur une trajectoire de transformation et d’innovation. On n’a pas vraiment eu le choix en 2020. L’année du «Ça va bien aller.» est derrière nous et au fil de mes réflexions, je me suis demandé quelle serait la phrase de 2021. Je suis tombé sur une chanson qu’on associe habituellement à la construction identitaire chez les francophones. Mais en écoutant les paroles attentivement, je me suis rendu compte que cette chanson pouvait aussi interpeler les gens qui s’essaient en éducation. Ceux et celles qui sont en train de transformer l’éducation en ce moment (Ça, c’est pas mal de monde). C’est à eux que je m’adresse ici.
Et si…
Parfois, quand on tente de faire les choses autrement, on dérange et on s’attire des regards, des commentaires… J’apprécie la citation (ferait un beau t-shirt) dans le visuel de Stéphanie Lemieux : « Ceux qui croient que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient!» Ça use parfois. Parfois ça blesse aussi. Vous me suivez? C’est à vous que je m’adresse. Ce que vous faites est important. L’enseignement est déjà assez complexe comme ça. Personnellement, je n’ai pas besoin que mes collègues m’abaissent ou me disent que c’est impossible. Et si la phrase de 2021 était Personne ne pourra m’arrêter ? Ça fait un long mot-clic mais bon. #PersonneNePourraMarrêter, c’est pas si pire 😉 Je vous invite donc à lire attentivement les paroles de la chanson et à faire des liens avec votre vécu des dernières années. Vous qui tentez de créer l’école d’aujourd’hui.
Personne ne pourra m’arrêter (Mélissa Ouimet)
On me dira non
Ce sera comme hier et comme demain peut-être
Toujours des raisons
Et des commentaires sur c’que je devrais être
Je me fous des barrières
Je vais gagner à ma manière
J’allumerai en moi
Ce qui survivra, au-delà des combats
Personne ne pourra m’arrêter
C’est plus fort que moi
Tu perds ton temps à essayer
De me briser la voix
Ça déraille, une bataille
Mais je reviens toujours à bon port
Qu’on y croit, qu’on aime ou pas
Je reste et chante encore
On me mentira
Les promesses en l’air ne voleront pas plus loin
Et combien de fois
On me guidera sur les mauvais chemins
Qu’importe la distance
Je ne donnerai jamais ma chance
Je trouverai la lumière
Au cœur de la guerre, je ne pourrai me taire
Personne ne pourra m’arrêter
C’est plus fort que moi
Tu perds ton temps à essayer
De me briser la voix
Ça déraille, une bataille
Mais je reviens toujours à bon port
Qu’on y croit, qu’on aime ou pas
Personne ne m’arrêtera
Tant que la soif y sera
J’irai encore plus loin qu’hier
Et quand ça tremble dans mon corps
Quand le courage s’évapore
Je m’accroche et laisse le temps tout refaire
Personne ne pourra m’arrêter, non
Personne ne pourra m’arrêter
C’est plus fort que moi
Tu perds ton temps à essayer
De me briser la voix
Qu’on y croit, qu’on aime ou pas
Personne ne pourra m’arrêter
C’est plus fort que moi
Tu perds ton temps à essayer
De me briser la voix
Ça déraille, une bataille
Mais je reviens toujours à bon port
Qu’on y croit, qu’on aime ou pas
Je reste et chante encore
Source : Musixmatch – Paroliers : Amelie Larocque / Luc Tellier / Ouimet Melissa / David Guertin Chauvette
Vidéo
Je vous invite maintenant à regarder la vidéo. Vous découvrirez du même coup des artistes francophones très talentueux 🙂
De moi à NOUS, pour NOS élèves
Si vous me connaissez, vous aurez deviné que mon intention n’est pas de polariser ou de diviser. Nous qui essayons de créer l’école d’aujourd’hui vs eux qui défendent l’école d’hier. Non. Je crois qu’une des responsabilités les plus importantes en éducation, c’est de faire preuve d’empathie et de toujours essayer de faire une place aux collègues autour de soi et d’écouter leur point de vue. Tout le monde fait de son mieux. Tout le monde a quelque chose à contribuer. Tout le monde est un leader 😉 Je tenais à le préciser. Quand on y pense, nous essayons tous d’agir dans le meilleur intérêt des élèves qui nous sont confiés. C’est ce qui nous unit. Il ne faut pas oublier ce bout-là. Les élèves. Et ce qui servirait encore mieux NOS élèves, ce serait #PersonneNePourraNousArrêter. Nous. Parce que l’éducation est un sport d’équipe. Entourons-nous de gens qui parlent d’idées et de possibilités, pas de personnes. Et si en cours de route on nous critique parce que nous tentons de faire les choses autrement, comme le disait si bien Hector Berlioz : «Collectionnez les pierres qu’on vous jette. C’est le début d’un piédestal.» Et gardons le sourire et une bonne attitude. Le changement en éducation, c’est une occasion d’accomplir ENSEMBLE des choses extraordinaires. Ensemble. Parce qu’on a besoin de tout notre monde pour transformer l’éducation.
Ok, go les amis! La game est loin d’être terminée.
Bonne année 2021
#PersonneNePourraNousArrêter
On fait quoi avec le prochain bulletin?
On travaille fort en éducation. C’est connu. Mais je pense qu’on n’a jamais travaillé aussi fort que cette année. Le bulletin de janvier arrive bientôt. On pourrait penser que c’est un bulletin comme les autres. Mais il faut être prudent je pense. Voici pourquoi.
Une année de progrès
En regardant le chemin parcouru cette année, il est raisonnable d’affirmer que tous les acteurs en éducation ont été sortis de leur zone de confort. Pas par choix mais c’est du jamais vu. Tout le monde était déstabilisé en même temps. Pensez-y. Or il n’y a jamais eu autant de progrès que cette année dans le monde de l’éducation. On n’a qu’à penser à tout ce qui a été accompli sur le plan du numérique. Certains disent qu’on a fait en quelques mois dix ans de progrès au niveau de l’intégration du numérique. On a quand même réussi à basculer au numérique en 24 heures dans plusieurs milieux. Ce n’est pas rien quand on pense à tout ce que ça implique aussi de notre part pour que les familles y aient accès. D’autres affirment que la collaboration entre collègues n’a jamais été aussi présente. Il n’y a pas de manuel pour gérer une pandémie. C’est une bonne chose : il a fallu se parler et réfléchir ensemble. Tous les efforts déployés nous permettent d’être là où nous en sommes présentement. C’est extraordinaire. Avez-vous pris le temps de célébrer le chemin parcouru avec votre équipe, vos collègues, vos élèves, votre communauté scolaire?
La gestion sanitaire change la réalité
Enseigner est une tâche complexe qui exige certaines aptitudes de gestion. Habituellement, on parle de trois piliers en particulier.
La gestion du programme | La gestion de classe | La gestion des apprentissages
C’est ça la job, comme on dit. Dans le contexte actuel, on y ajoute la gestion sanitaire. Un quatrième pilier. Qu’on gère tous pour la première fois. Autre détail. Les directives changent fréquemment.
Voici quelques réalités qui en découlent :
- Plusieurs n’ont pas réellement eu de vacances cet été parce qu’ils devaient préparer DES scénarios pour la rentrée.
- Plusieurs ont passé l’été anxieux de vivre une rentrée scolaire différente. L’inconnu fait peur.
- Le premier mois, nous apprenons tous à gérer le quatrième pilier : la gestion sanitaire.
- Le premier mois, on gère aussi le programme, la classe et les apprentissages. Tsé. La job.
- Dans tous les milieux, on accueille les élèves et on essaie de créer un sentiment d’appartenance et une proximité avec les élèves, parce qu’on sait que tout passe par les relations. Mais tout le monde est à 2 mètres.
- Chez les plus jeunes, on tente aussi de donner un sens à toutes les procédures. Je ne dis pas NOUVELLES procédures. Pensez aux élèves qui ont commencé leur parcours scolaire cette année.
- Dans certains milieux, les élèves passent beaucoup de temps au même endroit, avec les mêmes personnes. Jour après jour. On découvre le concept des bulles.
- Dans certains milieux, tout le monde porte un masque et même une visière (adultes).
- Dans certains milieux, on voit nos élèves 1 jour sur 2 en personne.
- Dans certains milieux, on voit nos élèves à distance seulement.
- Dans certains milieux, les profs enseignent à des élèves en personne et à distance en même temps. Vous avez bien lu.
- Plus on avance, plus on a l’impression d’avoir pris du retard. Le programme…
- Dans plusieurs milieux, les élèves produisent des travaux et sont évalués à un rythme inhabituel. Il n’est pas rare que les élèves passent 2, 3 et même 4 évaluations le même jour. Les élèves ont-ils réellement le temps d’apprendre présentement? La question se pose. Mais il faut que ça avance…
- Plus on avance, plus on revient à l’apprentissage et plus on se pose des questions sur l’évaluation. Notre intuition nous parle. Va-t-on l’écouter un jour?
- Plusieurs parents, eux, se demandent comment appuyer l’école et leur enfant dans ce nouveau contexte.
Quand je relis ces 15 énoncés, je me pose cette question : Quelles pourraient être des attentes raisonnables face aux écoles et aux élèves dans un tel contexte? Si on revenait au mois d’août 2020 et qu’on se posait la question. En autres mots, les résultats actuels (notes, échecs, taux d’assiduité, climat scolaire, santé mentale….) sont-ils inférieurs, égaux ou supérieurs à nos attentes compte tenu du contexte? Nous y reviendrons. Parce que l’année n’est pas terminée. Chose certaine, la gestion sanitaire change la réalité.
Repenser le design
Dans la dernière session de coaching LI-VE, je présentais cette vidéo. Voici trois questions à se poser pendant le visionnement.
- Comment cette vidéo raconte-t-elle l’histoire des 4 premiers mois de l’année scolaire 2020-2021?
- Les adultes dans la vidéo représentent qui en éducation?
- Voyez-vous les élèves?
Dans nos écoles, on n’échappe pas du chocolat, on échappe des personnes. Compte tenu des résultats actuels, certains diraient qu’il faut ajouter du personnel autour du convoyeur. C’est une approche. Et si on repensait le design? La pandémie n’a pas changé notre pourquoi. Elle est en train de nous amener à repenser nos comment. Si on n’aime pas les résultats qu’on obtient présentement, on ne changera pas notre pourquoi, on va repenser le design. Qu’est-ce que ça pourrait impliquer dans votre milieu?
Une nouvelle trajectoire
Nous avons emprunté une nouvelle trajectoire l’an passé. Rappelez-vous que les épreuves ministérielles et les examens de fin d’année ont été annulés rapidement. De plus, il a été convenu que les notes des élèves ne pouvaient qu’augmenter. Ça voulait dire qu’on ne ferait pas appel aux stratégies habituelles pour gérer l’engagement (ou le désengagement) des élèves. On a reconnu que la pandémie était une situation exceptionnelle qui ne nous permettrait pas de dispenser une enseignement optimal et qui ne permettrait pas aux élèves de démontrer leur plein potentiel. Il a donc été décidé que cette situation n’allait pas nuire au rendement scolaire de la majorité des élèves.
Cette année, dans certains milieux, il a été convenu qu’il n’y aurait pas d’examens de fin de semestre ou de quadrimestre. Dans d’autres milieux, le premier bulletin a été annulé ou renommé. On se donne le temps d’apprendre. Est-ce que notre design pédagogique permet aux élèves d’apprendre? La cohérence se crée entre les évaluations.
Le prochain bulletin, c’est NOTRE bulletin!
Le bulletin scolaire est un exercice de communication formel entre l’école et la famille (élèves inclus). Le rendement des élèves est le fruit de leurs efforts mais aussi de nos stratégies pédagogiques, du regard qu’on porte sur eux, du climat de classe qu’on réussit à créer. Le bulletin de janvier approche et dans plusieurs milieux, les résultats seront bien différents des années précédentes. Plus d’élèves seront en échec. Certains élèves seront en échec pour une première fois. Certains élèves auront 72% plutôt que leur habituel 85%. Ce sera un bulletin de premières pour plusieurs, pour plusieurs raisons. Chose certaine, les élèves ne sont pas devenus moins intelligents à cause de la pandémie. Le prochain bulletin, c’est notre bulletin. Ce n’est pas le bulletin des élèves. En leadership, c’est ce qu’on fait. Quand ça va mal, on en prend la responsabilité.
Définir la réalité
J’invite donc le système à la prudence. Le système, c’est du monde. Quand on tient compte du contexte actuel et quand on pense à tous les efforts qui ont été déployés, je pense qu’il est important de réfléchir au sens que nous voulons donner aux données et à ce que nous voulons communiquer aux élèves, aux familles et au personnel scolaire en lien avec le bulletin de janvier. Que dit-on aux élèves qui sont en échec ou dont le progrès ou le rendement est inhabituel? Vous êtes moins intelligents que l’an passé? Et au personnel? Vous n’en faites pas assez? La réalité, c’est que c’est plus difficile d’enseigner et d’apprendre ce qui est au programme dans le contexte actuel. Pourtant, il y a eu beaucoup d’apprentissage. Peut-être le système a-t-il appris autant si pas plus que les élèves jusqu’à présent? Or le bulletin est-il conçu pour mesurer ce qui a réellement été appris cette année? Ce n’est pas parce qu’on ne mesure pas que les élèves n’ont pas appris. Et les élèves n’apprennent pas seulement ce qu’on choisit de mesurer. On mesure quoi pendant une pandémie?
La place de la pondération
Dans certains milieux, il y a une certaine pondération des bulletins. On peut comprendre que la pondération d’un bulletin signifie que ça compte. Ça veut dire «Fournis un effort sérieux, le jeune.» J’aborde la question dans «Ça compte-tu?» Dans un sens, ça peut servir de motivation extrinsèque pour les élèves. Mais ça vient avec un risque. Concrètement, cette année en particulier, quels élèves peuvent profiter d’un bulletin de janvier qui vient avec un poids de 50%, par exemple? Ceux qui réussissent déjà bien. Pour les autres, bonne chance. Ce qui pouvait servir de motivation extrinsèque avant le bulletin a l’effet contraire après le bulletin.
Que visons-nous?
Le mode réaction est derrière nous. Ce qui était inconnu est devenu notre quotidien. Nous avons donc l’occasion de réfléchir à ce que nous visons en éducation. Voulons-nous classer ou développer les élèves? Certains bulletins sont conçus pour classer les élèves. La preuve, on considère qu’un élève qui obtient 74% est meilleur qu’un élève qui obtient 72%. Si la note de passage est de 60%, ça veut dire qu’il y a 41 façons différentes de décrire la réussite et 60 façons différentes de décrire l’échec. Pensez-y. Dans un contexte de quantité de bonnes réponses, ça peut marcher. Mais je n’ai jamais rencontré personne qui était capable de m’expliquer la différence entre les élèves (74 vs 72).
Changer la game
Dans un contexte de qualité, de développement ou de compétence, c’est différent. Je suis golfeur et parfois je joue 72, d’autres fois je joue 74. Mon niveau de compétence ne varie pas tant que ça. Ma performance oui. Pour changer la game, il faut changer les lunettes avec lesquelles on regarde la game. Les élèves se comparent à eux-mêmes, pas aux autres élèves. Progrès. C’est ici que le leadership et le coaching entrent en jeu. Si on veut vraiment viser le développement des élèves, il faut être cohérent. On ne peut pas enseigner la mentalité de croissance, parler de l’évaluation au service de l’apprentissage et qu’un rythme d’apprentissage lent au départ pénalise l’élève jusqu’à la fin. Bref, il va sans dire que les outils de communication et d’évaluation systémiques doivent refléter la game que nous jouons.
Il faut faire confiance aux enseignants.
Même si dans certains milieux les résultats seront différents des années passées, ça démontre à quel point on peut et on doit faire confiance au jugement professionnel des enseignants. Pensez-y. Malgré la pandémie, ils préparent les cours à partir du programme même s’il y a moins de temps cette année. Ils conçoivent la démarche pédagogique et les instruments d’évaluation du rendement. Et ils utilisent leur jugement professionnel pour déterminer la qualité du rendement des élèves. Pandémie ou non, la qualité c’est la qualité. Bref, les enseignants sont rigoureux et ils n’évaluent pas le rendement des élèves à la hausse. Or ils veulent agir sur l’apprentissage des élèves. Et si nous leur donnions d’autres moyens pour y arriver?
Contexte différent, bulletins différents
Les bulletins scolaires ne sont pas tous conçus de la même façon dans tous les milieux. Certains permettent des commentaires personnalisés. Certains ne présentent que des notes ou des cotes. Peu importe. Je crois que nous avons une occasion cette année de différencier comment nous gérons la pondération du bulletin, le cas échéant. Nous avons aussi l’occasion d’ajouter des commentaires et des messages personnalisés au bulletin ou dans l’enveloppe du bulletin afin de contextualiser pour les élèves et pour les parents les données exceptionnelles qui seront générées prochainement. En voici quelques exemples :
« Madame, Monsieur, depuis le début de cette année scolaire bien différente, le personnel de notre école travaille d’arrache-pied afin de créer un environnement sécuritaire et bienveillant pour votre enfant. Cela s’est traduit par des changements importants au niveau de l’horaire, du fonctionnement et du mode d’enseignement, entre autres. Nous vous remercions de votre collaboration, de votre compréhension et de votre soutien continus. Vous êtes un partenaire indispensable dans la réussite de notre mission éducative… Voici quelques pistes (annexe) pour vous permettre d’appuyer votre enfant dans son apprentissage… »
«Madame, Monsieur, nous vivons, vous le savez, une année scolaire bien différente. Malgré tous les efforts déployés par votre enfant et par le personnel de l’école, nous considérons que les données recueillies jusqu’à présent sont insuffisantes et ne nous permettent pas de porter un jugement professionnel éclairé au sujet du rendement scolaire de votre enfant. Nous vous invitons donc à prendre connaissance des commentaires personnalisés (annexe) qui vous permettront de discuter avec votre enfant de ses meilleures prochaines étapes afin de poursuivre sa progression d’ici la fin de l’année scolaire… »
«Madame, Monsieur, comme vous le savez, nous tentons de dispenser un enseignement de qualité pour votre enfant dans un contexte bien particulier. Nous sommes très fiers de ce que nous avons accompli avec votre enfant jusqu’à présent. Cependant, nous jugeons que votre enfant n’a pas eu l’occasion de démontrer l’étendue de ses apprentissages (ou)… les preuves d’apprentissage que votre enfant a générées ne reflètent pas son niveau de rendement habituel… données insuffisantes…»
«Nous tenons à souligner l’engagement, les habiletés d’apprentissage et les habitudes de travail exceptionnelles (ou non) de votre enfant et … pistes et prochaines étapes… responsabilités de l’élève…»
Imaginez l’impact dans votre communauté scolaire.
Alors, on fait quoi avec le prochain bulletin?
J’ai lu plusieurs articles en décembre qui abordent les données actuelles, le retard de certains élèves… Certains parlent déjà de la rentrée 2021, comme s’il n’y avait plus rien à faire cette année! Je crois que le prochain bulletin n’est pas comme les autres. C’est une occasion de communiquer formellement avec la famille et de partager notre vision. C’est aussi une occasion de donner un élan au monde de l’éducation qui ne peut pas travailler plus fort que maintenant. Encore une fois, les résultats actuels sont-ils inférieurs, égaux ou supérieurs à nos attentes compte tenu du contexte? Chose certaine, la gestion sanitaire change la réalité. A-t-on vraiment besoin de faire comme si la pandémie n’était pas là, de récolter des données et de les comparer avec les données de l’an passé? Ça servirait à qui?
Dans l’esprit de poursuivre sur la nouvelle trajectoire que nous avons empruntée depuis le début de la pandémie :
- Le bulletin, dans son design actuel, est-il au service de l’apprentissage de tous les élèves présentement?
- Comment les données actuelles informent-elles notre pratique?
- Quelles opportunités s’offrent à nous pour améliorer le bulletin et notre pratique?
- Où est notre marge de manoeuvre?
- On veut une autopsie ou agir sur l’apprentissage?
Il reste plein de choses à faire.
Il est encore temps d’agir.
Merci de vos commentaires

La «game» est exigeante? «Good!»
L’importance d’être dans la «game»
Mon garçon de 17 ans est un «gamer», comme bien des jeunes d’aujourd’hui. Une chose qui attire mon attention, c’est qu’il passe beaucoup de temps à regarder des «gamers» reconnus dans YouTube en train de jouer à Fortnite, par exemple. C’est spécial de voir ça. Les jeunes regardent des «gamers» reconnus jouer en streaming (en direct) ou sur YouTube (enregistré). Dans le monde des «gamers», les gens sont reconnus pour leur savoir-faire, pas seulement pour ce qu’ils savent.
Dans l’industrie du développement personnel et professionnel, c’est la même chose. Les gens veulent apprendre de ceux et celles qui ont réussi ou qui sont en train de réussir dans leur domaine. On n’a qu’à penser à Brendon Burchard, Rachel Hollis, Amy Porterfield ou Ted McGrath. Savoir-faire. C’est n’est pas suffisant de savoir, les gens veulent que leurs enseignants soient dans la «game».
Dans une entrevue, Brené Brown affirmait qu’elle avait une façon toute simple de déterminer qui avait le droit de lui partager son opinion ou de la rétroaction. Ceux qui sont «dans l’arène», disait-elle. Ceux qui sont dans la «game» (du leadership) avec elle, qui se font botter le derrière et qui ont le courage de se relever. Ces personnes sont qualifiées à ses yeux. Ceux qui regardent la parade (et qui «savent» possiblement bien des choses) n’ont pas le privilège d’être entendus par Brené. Ils ne sont pas qualifiés.
L’héritage de la pandémie : nous sommes tous dans la «game»
Nous avons dû surmonter plusieurs défis depuis le début de la pandémie, mais ce contexte nous a permis de faire des progrès remarquables au niveau de l’intégration du numérique et des possibilités pédagogiques qui en découlent. Cette phrase de Jean Piaget prend tout son sens dans le contexte actuel. Merci à Guillaume et à Catherine pour la référence 🙂 : « L’intelligence, ce n’est pas ce qu’on sait, c’est ce qu’on fait quand on ne sait pas. » J’offrais une conférence dans un collège privé au mois d’août et une enseignante a fait une remarque qui va en ce sens. Elle disait que cette année nous offrait une occasion en or de montrer à nos élèves comment on agit / réagit lorsqu’on ne sait pas. Parce que habituellement, on sait. Mais cette année, nous avons l’occasion d’être des modèles d’apprenants à vie pour nos élèves. C’est probablement la chose la plus importante que nous allons enseigner à nos élèves cette année, disait-elle. J’ai trouvé ça extraordinaire. L’héritage ultime de la pandémie, c’est qu’elle a placé tous les acteurs dans la «game». La «game», c’est l’école d’aujourd’hui, l’école de l’apprentissage en profondeur. Les jeunes ont besoin de modèles qui sont dans l’arène de l’apprentissage avec eux. La question : comment réagissons-nous lorsque nous ne savons pas?
« L’intelligence, ce n’est pas ce qu’on sait, c’est ce qu’on fait quand on ne sait pas. » – Jean Piaget
On développe de nouvelles compétences.
Apprendre en profondeur, développer des compétences, ça demande beaucoup plus d’effort. C’est normal de se sentir fatigué. Ça veut dire qu’on est en train de se développer. On a des «growing pains» professionnelles parce que nous développons de nouvelles compétences, comme nous pouvons l’observer dans ce visuel. Mais le possible point à l’horizon. Nous allons éventuellement voir le fruit de nos efforts. Patience et intentionnalité.
Être dans la «game», c’est exigeant. «Good!»
Force est de constater que de se voir placé dans la «game», c’est exigeant. Je regardais cette vidéo cette semaine. Ça remet les choses en perspective.
J’apprécie tellement les messages présentés par Jocko Willink. Voici les grandes lignes (que j’interprète à ma façon), qui s’appliquent tellement bien à ce que nous vivons présentement.
Tu relèves des défis et tu trouves ça difficile? «Good», tu es en vie et tu as une opportunité de trouver de nouvelles solutions.
Tu respires encore? «Good», ça veut dire que tu peux encore agir sur ta réalité et celle des autres.
Tu as vécu des situations difficiles et peut-être même des échecs? «Good», maintenant :
- «Get up» (La seule façon d’échouer est de choisir de ne pas continuer.)
- «Dust off» (Il faut prendre le temps de se secouer, de réfléchir à ce qui nous ébranle.)
- «Reload» (On fait le plein d’énergie et de stratégies.)
- «Recalibrate» (On tient compte du contexte et des personnes qui nous sont confiées.)
- «Reengage» (On se rappelle notre pourquoi, parce que le comment est toujours changeant.)
- «Go out on the attack» (On passe à l’action avec une vigueur et une intentionnalité renouvelées.)
Et si…


Qu’est-ce qui sort de votre orange?
La métaphore de l’orange
Il y a quelques années, j’ai pris connaissance de la métaphore de l’orange en regardant une vidéo de Wayne Dyer. La métaphore est bien simple selon lui. Si on prend une orange et qu’on la presse très fort, éventuellement, quelque chose va sortir de l’orange. Qu’est-ce qui va sortir de l’orange??? « Du jus d’orange, Marius, voyons! » C’est en fait la bonne réponse. Il faut se demander pourquoi c’est ce qui sort de l’orange. Si on presse une orange, jamais nous n’obtiendrons du jus de pomme ou du jus de pamplemousse. Non. Impossible. Chaque fois qu’on presse une orange, c’est du jus d’orange qui en sort. Pourquoi? Parce que c’est ce qu’il y a à l’intérieur. Je sais, c’est très scientifique et complexe. Mais ce n’est pas tout.
Qu’est-ce qui sort de vous?
Si on applique ça à la personne que vous êtes. Vous êtes l’orange. Si la vie ou quelqu’un vous presse, qu’est-ce qui sort de vous? De la joie, de l’amour, de la colère, de la haine, de la peur, de l’anxiété? Ce qui sort de vous, c’est ce qu’il y a à l’intérieur de vous. Alors quand la vie vous envoie la pandémie ou que telle personne vous dit quelque chose qui vous fait réagir, ce qui sort de vous, c’est ce qu’il y a à l’intérieur de vous. Et selon W. Dyer, si on n’aime pas ce qui se trouve à l’intérieur, on peut le changer. Notre expérience de la vie se passe à l’intérieur. C’est important de s’en occuper. Comment voulez-vous vous sentir au quotidien? Toujours selon W. Dyer, on ne peut pas donner ce qu’on n’a pas. Vous ne pouvez pas faire preuve d’amour, de compassion, de tolérance, d’empathie ou de bienveillance, si vous ne les portez pas d’abord en vous. C’est logique. Comme vous ne pouvez pas donner 20$ à quelqu’un si vous n’avez pas d’argent. Pour pouvoir donner 20$ à quelqu’un, il faut d’abord avoir 20$ dans son porte-feuille. Aimez-vous ce qu’il y a dans votre orange (et ce qui en sort) présentement?
Votre orange pédagogique
Habituellement, on associe davantage l’éducation à la pomme qu’à l’orange. Mais je crois que cette métaphore s’applique aussi à la pédagogie et à l’éducation en général. Lorsqu’on presse votre orange pédagogique (ADN institutionnel), qu’est-ce qui en sort? Lorsqu’on vous confie telle liste de classe, qu’un élève se comporte de telle façon, qu’un parent questionne votre jugement professionnel, qu’un collègue ne partage pas la même vision que vous, que vous devez vous ajuster grâce ou à cause de la pandémie… qu’est-ce qui sort de vous? L’amour, la tolérance, l’équité, le lâcher-prise, la gratitude, la peur, l’indifférence, la colère, le besoin de contrôler… le mépris? Si vous réfléchissez à votre pratique actuelle, quelles sont vos croyances et vos valeurs en pédagogie? Vous classez ou vous développez les élèves? Vous créez des gagnants et des perdants ou tous peuvent progresser? L’élève doit entrer dans votre moule pédagogique ou votre pédagogie permet aux élèves de devenir qui ils sont? Ce qui sort de nous, ce sont nos collègues et nos élèves qui le reçoivent.
Contrairement aux oranges, lorsqu’on presse les humains en éducation, ce qui en sort peut varier.
Si vous pouviez choisir (et vous le pouvez) ce qui se trouve dans votre orange pédagogique, qu’est-ce que vous choisiriez?
Merci de vos commentaires.

La cohérence se crée entre les évaluations sommatives.
La cohérence dans une école
J’ai eu la chance d’entendre Michael Fullan parler de cohérence l’an passé. Il a dit une phrase que je considère importante et qui peut passer inaperçue. « La cohérence se crée entre les rencontres de collaboration. » a-t-il affirmé. C’est donc dire que nos écoles deviennent (pas «sont», qui peut laisser croire à un état fixe, mais «deviennent» qui sous-entend que nos écoles évoluent, elle «sont en mouvement) cohérentes lorsque nos actions sont alignées avec nos visées. On dit qu’on vise quelque chose ensemble, on discute des stratégies à mettre en place, on les met en place et on en parle. Il est attendu, ici, qu’à un moment donné, quelqu’un vient me voir dans ma classe pour voir comment ça va, pour voir si on progresse vers ce qu’on vise et pour déterminer si on a tout ce dont nous avons besoin pour progresser. C’est l’idée. En très bref, c’est la cohérence, selon M. Fullan. Vu comme ça, c’est quand même simple. Une façon intéressante de déterminer si une école est cohérente est de se poser la question suivante : Si quelqu’un venait observer les actions qui se font dans votre établissement, pourrait-il deviner ce que vous visez? Est-ce que notre culture vient souligner nos mots?

Modèle de cohérence, adapté de M. Fullan Tiré de la session de coaching LI-VE du 27 octobre 2020
« La cohérence se crée entre les rencontres de collaboration. » – M. Fullan
Nos élèves deviennent, eux aussi.
Dans son excellent texte, Les dérives du palmarès des écoles secondaires, Marc-André Girard conclut en affirmant :
«Le vrai palmarès, c’est celui des anciens élèves qui reviennent fièrement témoigner à leurs anciens enseignants leur appréciation en menant une vie équilibrée ancrée dans le siècle actuel. Après tout, la réussite de notre système d’éducation se résume-t-elle à des notes dans un bulletin ou à des élèves qui s’épanouissent dans leur parcours scolaire et, ensuite, dans leur vie ? Dirigeant des écoles primaires et secondaires depuis 15 ans, je m’enorgueillis bien plus de ce que mes élèves deviennent plutôt que des notes qu’ils ont eues, desquelles je ne me souviens pas !»
Le verbe devenir, revient, encore une fois. Et on l’entend de plus en plus dans nos écoles. Comme pédagogue et comme père de famille, ça me rassure. Or notre façon d’utiliser l’évaluation (accent mis sur les notes) est-elle alignée avec cette visée présentement? Sommes-nous cohérents? La question se pose.
« Si tu ne sais pas où tu vas, n’importe quelle route peut t’y mener. » – Cheshire (Lewis Carroll), Alice au pays des merveilles
L’évaluation et la cohérence
Lorsqu’on regarde les nouvelles pratiques qui s’installent dans les classes grâce ou à cause de la COVID-19, par souci de cohérence, il est sage de se demander ce qu’on peut espérer que nos élèves deviennent, dans ce nouveau contexte. La «game de l’école» est en devenir, elle aussi. On couvre le programme en surface ou on cible les apprentissages essentiels pour aller en profondeur? On fait le travail pour la note ou on devient? La question n’est pas aussi simple que ça. On fait probablement les deux. Mais comment peut-on passer de «Ça compte-tu?» à «Est-ce que je progresse?»? Ça demande de prendre du recul pour voir si nous sommes bien alignés avec nos visées.
Un danger nous guette.
Si on est habile avec la technologie et qu’on doit adopter une approche hybride pour toutes les raisons qu’on connaît, le point de départ en pédagogie peut ressembler à ceci.

Tiré de la session de coaching LI-VE du 27 octobre 2020
L’élève reçoit un travail à faire (T), qui peut venir avec une explication (E) intégrée à un plan de travail, en vidéo par exemple; l’élève remet le travail et reçoit une note (N) accompagnée d’une rétroaction (R). Ça marche. En mode réaction, en mode «on s’adapte à une nouvelle réalité», ça marche. Lorsqu’on manque de temps, ça marche. Ce qui a été accompli en éducation au cours des derniers mois n’est rien de moins qu’extraordinaire. Or après quelques mois d’adaptation, un danger nous guette. Le système reprend ses sens présentement et il revient à la question : Sommes-nous cohérents? Est-ce que notre modèle pédagogique actuel permet à nos élèves de devenir ou se présentent-ils en ligne (ou à l’école) pour faire du travail et récolter leur paie (note)? Cette année, nous avons moins de temps. Les élèves ont-ils moins de travaux et d’évaluations sommatives? La question se pose.
Lorsqu’il est question de l’évaluation et de la cohérence, il y a des choses qui ne changent pas. C’était justement le thème de ma plus récente session de coaching LI-VE.
Voici trois idées pour stimuler la réflexion autour de l’évaluation et de la cohérence.
1. Enseigner ce qu’on mesure et mesurer ce qu’on enseigne
C’est connu, tous les élèves peuvent atteindre la cible s’ils la voient et qu’elle ne bouge pas. D’où l’importance d’enseigner ce qu’on mesure (cible) mais aussi de mesurer ce qu’on enseigne (ne bouge pas). Or mon vécu m’apprend qu’il faut toujours se garder une petite gêne. Ce n’est pas parce qu’on ne mesure pas que les élèves n’ont pas appris. Et les élèves n’apprennent pas seulement ce qu’on mesure. Je crois fermement que les choses les plus importantes, comme les relations, le bien-être et l’estime de soi, se mesurent mal. On ne mesure donc pas tout ce qui compte vraiment. C’est gris, n’est-ce pas?
2. Agir sur le devenir de l’élève
Lorsqu’on enseigne, on utilise parfois le manuel scolaire. Mais le manuel scolaire, ce n’est pas le programme. J’aime bien ce que Pierre Poulin a partagé à cet effet dans un récent Tweet.
Lorsqu’on enseigne, on assigne des tâches. Mais nos tâches sont un moyen parmi tant d’autres de faire vivre le programme. Assigner une tâche, ce n’est pas nécessairement enseigner. Lorsqu’on enseigne, on génère et on consigne des notes. Mais générer et assigner des notes, ce n’est pas nécessairement enseigner. Oui on fait tout ça lorsqu’on enseigne, mais l’enseignement commence réellement lorsqu’on agit sur l’apprentissage de l’élève. Connaît-on vraiment les grandes idées du programme? Et à partir du temps que nous avons, quels sont les moyens les plus efficaces de faire vivre le programme pour soutenir les élèves dans leur devenir, avec le temps à notre disposition? Les élèves ont-ils le temps d’apprendre dans nos classes présentement? On ne fait pas pousser des carottes en les mesurant chaque jour. Il faut les entretenir.
«Les élèves ont-ils le temps d’apprendre dans nos classes présentement?» – @bourmu
3. Le Saint-Graal de l’enseignement
Mon vécu me confirme que la rétroaction est vue comme le Saint-Graal de l’enseignement. Tout le monde sait que c’est important. Tout le monde en donne. Fait intéressant, la recherche nous démontre qu’une rétroaction accompagnée d’une note a à peu près le même effet que de simplement donner une note à l’élève. Fait intéressant, la rétroaction efficace porte sur autre chose que la qualité du travail de l’élève et elle a un impact significatif sur le devenir de l’élève. Par exemple, elle porte sur ses habiletés d’apprentissage et ses habitudes de travail, sa posture, son effort ou sa métacognition, pour ne nommer que ceux-là. Fait intéressant, la rétroaction reçue et réinvestie avant la note nous permet d’agir sur l’apprentissage alors que la rétroaction qui vient avec ou après la note ne sert que de justification ou même d’autopsie.
Or le point le plus important entourant la rétroaction selon mon expérience, ce sont les relations.
«La rétroaction reçue et réinvestie avant la note nous permet d’agir sur l’apprentissage alors que la rétroaction qui vient avec ou après la note ne sert que de justification ou même d’autopsie.» – @bourmu
Et vous, quelles sont vos observations en lien avec la rétroaction? Ça aussi, c’est gris. Chose certaine, les relations sont importantes. J’irais même jusqu’à dire que la rétroaction que nous offrons aux élèves reflète la qualité de nos relations. Pensez-y.
Que vise-t-on?
Finalement, tout dépend de ce que nous visons. Et comme disait Cheshire (Lewis Carroll) dans Alice au pays des merveilles : « Si tu ne sais pas où tu vas, n’importe quelle route peut t’y mener. »
Si la cohérence dans une école se crée entre les rencontres de collaboration, en classe, la cohérence se crée entre les évaluations sommatives!
Novembre sera exigeant, comme toujours. Il est encore temps d’agir et de créer, ensemble, cette cohérence.
Merci de vos commentaires

On baisse ou on monte la barre présentement?
Documenter
J’écris ce matin mon 100e billet. Je devrais dire ma 100e publication parce que mes premiers billets étaient davantage des expérimentations. Depuis le début de la pandémie, le système d’éducation fait lui aussi des expérimentations. Dans certains cas, ça ressemble à mes premiers billets. On ne sait pas trop ce que c’est mais c’est le début de quelque chose. Certains se demandent même si on baisse la barre présentement. Chose certaine, il faut apprendre à marcher avant de courir. Quand j’ai commencé, jamais je n’aurais pensé me rendre à 100. Ça a quand même pris des années à me rendre là. En relisant mes billets, je me rends compte des apprentissages que j’ai réalisés au fil du temps, au fil de mes lectures et au fil de mes discussions avec mes collègues, en personne et en ligne. Je me rends compte de ma trajectoire. Mon blogue, c’est un peu comme mon portfolio. C’est ici que je documente mes réflexions au sujet des choses qui comptent pour moi et que je considère importantes pour l’éducation. J’écris (lire je documente) pour réfléchir, pour apprendre et pour contribuer à la profession. On ne publie pas des billets de blogue parce qu’on pense avoir les réponses. On écrit pour essayer d’en trouver. L’écriture, et la réflexion qui doit l’accompagner, amène énormément de clarté dans ma pratique, dans ce que je crois possible pour moi mais aussi pour le système d’éducation, qui emprunte une nouvelle trajectoire bien intéressante depuis le début de la pandémie.
Baisser la barre?
À la fin mars 2020, on a s’est assuré qu’un minimum d’apprentissage puisse se poursuivre à distance. Lorsque possible, on a fourni des tablettes ou des portables ainsi qu’un accès à internet aux familles qui n’en avaient pas. On plaçait des ressources en ligne pour que les parents puissent faciliter l’apprentissage de leurs enfants. Le numérique servait alors principalement d’entrepôt de ressources pédagogiques. Tout le monde était en confinement. Est-ce qu’on baissait la barre?
Avril à juin 2020, plusieurs milieux ont commencé à offrir de l’enseignement à distance à leurs élèves. Constat : tout le monde n’était pas prêt à ça. Pas grave. Les gens se sont mobilisés et ont amorcé une courbe d’apprentissage impressionnante. Pas si mal, au moins, on avait amorcé le semestre en personne avec nos élèves. Mais on finirait l’année à distance dans plusieurs milieux. On s’est vite rendu compte de la complexité de la tâche d’enseigner (en ligne). On ne peut pas demander aux parents d’être des enseignants mais leur rôle complémentaire est primordial, surtout chez les plus jeunes. Travail, télé-travail, famille, apprentissage, devoirs, technologie… On patine. Le système prend des décisions parmi lesquelles on décide d’éliminer les épreuves ministérielles, les examens de fin d’année et, détail important, les notes des élèves en date de la mi-mars ne peuvent qu’augmenter. Bref, toutes les évaluations sont formatives pour finir l’année. Nouvelle trajectoire pour le système. Est-ce qu’on baissait la barre?
Rentrée 2020, la gestion sanitaire prend toute notre énergie. Et du temps. Beaucoup de temps. On prend conscience de la nouvelle réalité. Ça demande de l’énergie et ça suscite des émotions. Mais on entend des élèves de maternelle dire : « Madame, t’es belle avec ton maks. » On est ensemble, en bulles sociales, mais ensemble. Enfin. C’est comme avant, mais avec un masque. Non. Pas du tout. On parle partout de bienveillance, de santé mentale et de bien-être. Est-ce qu’on baisse la barre?
Octobre 2020, on gère les cas positifs et les 14 jours de confinement. Les gens sont fatigués et la 2e vague arrive. Au Québec, on passe de 3 à 2 bulletins. En Ontario, plusieurs milieux annulent les examens de fin de semestre. Est-ce qu’on baisse la barre?
Quand je relis ces derniers paragraphes, je me dis que ce qui a été accompli en éducation depuis le début de la pandémie est rien de moins qu’extraordinaire.
Le réflexe traditionnel
Or le réflexe traditionnel (institutionnel) est de penser qu’on baisse la barre lorsqu’on arrête de mesurer l’apprentissage, quand on arrête de demander à nos élèves (et aux enseignants) de performer, comme le suggère cet article de la semaine dernière. Comme si l’apprentissage (ou la valeur) des gens (ou de leur travail) se limitait à ce qu’on mesure (aux données). Il faut donner le temps aux carottes de pousser, même si on a hâte de récolter. Le réflexe traditionnel est de penser que les élèves ont déjà pris beaucoup de retard dans leur apprentissage pour toutes les raisons qu’on connaît. On a l’impression que les carottes n’ont pas poussé. Quand on y pense, le seul endroit où les élèves peuvent être en retard, c’est à l’école. En retard selon une conception bien rigide du développement de l’enfant. Ils ne sont pas en retard dans la vraie vie pourtant. Ils sont là où ils sont rendus. Agissons là-dessus!
Monter la barre graduellement
Et si un niveau de conscience différent nous amenait à voir que nous sommes en fait en train de monter la barre graduellement en éducation. Est-ce possible de voir ça autrement? Je crois sincèrement que cette nouvelle trajectoire nous mène déjà vers une éducation bienveillante, humaine et personnelle où ce qui compte, c’est la réalisation de soi. Le devenir, pas la performance. On crée les conditions pour que les carottes poussent, quoi. On parle habituellement de savoir-être de savoir et de savoir-faire en éducation, mais s’ajoute à cela le savoir-devenir. Parce que toute notre vie on devient. Et il n’y a pas de fil d’arrivée. Le savoir-devenir, c’est ce qu’on vise pour nos élèves dans l’école d’aujourd’hui. Non? Ça m’amène à me poser diverses questions en lien avec la cohérence également :
- Qu’est-ce qui est important dans l’école d’aujourd’hui? (orientations)
- Comment évoluons-nous entre collègues dans l’école d’aujourd’hui? (collaboration)
- En quoi l’école d’aujourd’hui prépare-t-elle à la vraie vie? (pédagogie et apprentissage en profondeur)
- Qu’est-ce qu’on veut mesurer ou monitorer dans l’école d’aujourd’hui? (reddition de compte)
Une nouvelle trajectoire
Comme le disait Sir Ken Robinson, « The real role of leadership in education… is not and should not be command and control. The real role of leadership is climate control, creating a climate of possibility. » N’est-ce pas sur cette trajectoire que le leadership actuel est en train de nous placer? Je crois qu’on doit continuer ensemble sur cette trajectoire où l’évaluation, le nerf de la guerre, sert surtout à informer nos prochaines étapes. Les nôtres et celles de nos élèves. C’est ici que la documentation pédagogique (et professionnelle) prend tout son sens.
« The real role of leadership in education… is not and should not be command and control. The real role of leadership is climate control, creating a climate of possibility. » Sir Ken Robinson
Imaginer l’impact
Un constat que j’ai fait au fil du temps, c’est que notre savoir expérientiel vaut la peine d’être partagé. C’est pourquoi j’ai décidé de créer le podcast Tout le monde est un leader. Pour donner une voix à des collègues et les amener à partager leur vécu, leur devenir. Le simple fait d’essayer de mettre des mots sur sa pratique nous fait évoluer. Et on ne sait jamais quel collègue peut nous amener plus loin dans notre réflexion; on ne sait jamais quel collègue on peut aider. Lorsqu’on prend le temps de partager nos réflexions, on donne aussi la permission à nos collègues de faire la même chose. Imaginez si tous les acteurs en éducation documentaient leur évolution présentement. Quel impact cela aurait-il sur l’amélioration continue du système d’éducation? Un billet par semestre? Un par année? Un par mois? Le format et la fréquence sont sans importance. L’idée, c’est de commencer à documenter. « Oui mais Marius, ça prend du temps, ça. » Oui. Ce qui vaut la peine d’être fait demande habituellement du temps et de l’énergie. Comme le disait Maude Lamoureux lors de son excellente conférence à Clair 2019 : « Accorder du temps à quelque chose, c’est lui accorder de la valeur. »
La transformation de l’éducation, c’est dans l’aujourd’hui que ça se passe et c’est déjà commencé. C’est tout ce qui compte. Se demander combien de temps ça va prendre est une question légitime. Mais se demander jusqu’où on peut aller ensemble est une question tellement plus intéressante.
Alors, on baisse ou on monte la barre présentement?
Merci de vos commentaires