Il faut sortir de SA boîte pour penser à l’extérieur de LA boîte!

Il faut penser à l’extérieur de la boîte! On l’entend beaucoup dernièrement. Je me demande tout ce que ça implique, penser à l’extérieur de la boîte.

Je réfléchis beaucoup dernièrement aux prochaines étapes systémiques en éducation. À la stratégie numérique au Québec. À nos prochaines étapes en Ontario. Au profil de sortie des élèves qui seront passés dans un système en plein virage au numérique. Je me pose des questions comme :

  • À quoi doit servir l’éducation?
  • Quels sont les indicateurs de réussite d’un système qui éduque à l’ère du numérique?
  • Quelles stratégies systémiques peuvent et doivent être déployées et soutenues à grande échelle?
  • Quels changements au niveau des croyances institutionnelles doivent être faits pour réussir?

La conscience

Dans mes lectures, je suis tombé sur cette citation de Carl Jung : “Until you make the unconscious, conscious, it will direct your life, and you will call it fate.” La conscience. Dans This is Water (voir vidéo), David Foster Wallace soutient que le fruit d’une éducation de qualité n’est pas la connaissance, mais la conscience. Ça explique, par exemple, pourquoi plusieurs étudiants arrivent à l’université en croyant qu’ils savent beaucoup de choses. Ceux qui en ressortent avec une éducation de qualité repartent conscients de tout ce qu’ils ne savent pas parce qu’ils ont été exposés à des niveaux supérieurs de conscience et de questionnement. Sommes-nous conscients comme système d’éducation? Nos résultats actuels sont-ils dus à nos efforts conscients ou à nos croyances inconscientes? Je pense qu’il faut regarder plus loin que nos résultats si on veut vraiment obtenir de meilleurs résultats. Regarder plus loin que nos actions aussi. Après tout, nos actions viennent de nos croyances.

“Until you make the unconscious conscious, it will direct your life, and you will call it fate.” Carl Jung

https://www.youtube.com/watch?v=MZjpihl2pfg

Les croyances

Dans le virage au numérique, on entend souvent parler de l’école traditionnelle. De cette ancienne façon de faire les choses. Que l’enseignant n’est plus là pour transmettre des connaissances, comme autrefois. C’est qu’autrefois, la croyance était que les élèves étaient comme des vases vides qu’on devait «remplir» de connaissances. La plupart des gens ne croient plus cela. Mais qu’est-ce qu’on croit au juste? En latin, «Éducation» se dit «Educo», qui signifie «faire sortir de l’intérieur, tirer hors de». Si nos élèves ne sont pas des vases vides, c’est qu’ils sont des vases pleins. Pas très beau comme image mais la métaphore illustre bien l’idée qu’ils portent déjà en eux toutes leurs réponses, toute leur vérité, inconsciemment. Notre rôle, le rôle du système, serait donc de «faire sortir de l’intérieur», d’amener nos élèves à prendre conscience de leurs réponses, de leurs compétences, de leurs aspirations, de leurs talents.

Question : Comment les mécanismes d’amélioration systémiques peuvent-ils être conçus pour «faire sortir de l’intérieur», pour soutenir une prise de conscience des membres qui sont sensés dispenser le nouveau modèle d’enseignement?

En latin, «Éducation» se dit «Educo», qui signifie «faire sortir de l’intérieur, tirer hors de».

Nous sommes tous dans notre boîte

On entend souvent l’expression «Il faut penser à l’extérieur de la boîte». Imaginez que vous êtes dans une boîte, fermée. Votre niveau de conscience vous donne accès à l’intérieur de la boîte seulement. Pas facile de penser à l’extérieur de la boîte dans une telle situation. C’est pourtant la nôtre présentement. Imaginez que les instructions pour votre vie soient collées sur l’extérieur de la boîte. Comment pouvez-vous y avoir accès? Comment pouvez-vous avoir accès à VOS instructions, pour vivre pleinement VOTRE vie? La vérité est qu’il est impossible pour vous d’améliorer ou d’agir sur un aspect de votre vie si vous n’en êtes pas conscient. C’est impossible. C’est pourquoi nous avons besoin d’un réseau, de mentors pour nous aider à avoir accès à des niveaux supérieurs de réflexion et de conscience. Parce qu’une autre vérité, c’est que nous sommes tous dans notre boîte. Et notre boîte, notre niveau de conscience, ne peut pas prendre d’expansion sans appui de l’extérieur, sans soutien de nos collègues.

Lundi matin

Bruce Lee affirme : “ A good teacher protects his pupils from his own influence.” Cela signifie que notre rôle en éducation est d’amener les élèves à découvrir LEURS instructions, LEURS vérités. Pas les nôtres. L’ère du numérique, c’est l’ère de la personnalisation, l’ère où l’unicité des gens est de plus en plus mise en valeur parce que c’est nécessaire. C’est ce qui nous distingue des autres qui est important. Oui chers collègues, l’éducation traditionnelle voulait nous «remplir», nous dire quoi penser puis valoriser et mesurer ce que nous avions en commun les uns les autres. L’éducation d’aujourd’hui, ce qui doit se passer lundi matin, c’est une éducation qui permet à tous les élèves d’apprendre à penser et de devenir conscients de leur potentiel, de leur unicité, de leurs talents. En autres mots, l’enseignement traditionnel amenait les élèves à comprendre le monde autour d’eux. L’éducation d’aujourd’hui doit d’abord amener les élèves à comprendre le monde qu’ils portent en eux. C’est à partir du monde qu’ils portent en eux qu’ils s’engageront dans la société, qu’ils seront des citoyens (numérique est sous-entendu) qui contribuent activement à la communauté. La connaissance, oui, c’est sûr que nous aurons toujours besoin de la connaissance. Mais la connaissance appliquée à des contextes authentiques, par des êtres compétents, conscients, réfléchis, intentionnels et libres. On commence lundi matin? 

“ A good teacher protects his pupils from his own influence.” Bruce Lee

SAMR vu autrement

Depuis plusieurs années déjà, le modèle SAMR nous permet d’imaginer des étapes concrètes vers la transformation de l’expérience d’apprentissage de l’élève, vers cette autre façon d’enseigner.Capture d’écran 2017-03-26 à 11.46.12.png

Cependant, ce modèle met l’accent sur le numérique, sur la technologie. Et tout ceci est rendu possible grâce à la technologie. Mais le système d’éducation, c’est du monde. Et le monde, c’est la clé. En m’appuyant sur mon vécu en tant qu’accompagnateur de directions d’école et d’enseignants, je vous partage aujourd’hui trois constats qui s’appliquent au modèle SAMR.

  1. Les personnes : Les personnes qui s’engagent dans la transformation de leur pratique sont incroyables. Tout devient possible! Ces personnes se mettent à réfléchir, à se questionner, et leur niveau de conscience prend de l’expansion au quotidien. En fait, le virage au numérique, il se passe d’abord à l’intérieur de chacun d’entre nous. Se questionner, redécouvrir le plaisir d’apprendre, c’est très stimulant et libérateur. C’est que, quand on se met à penser à l’extérieur de la boîte, on finit par sortir de la boîte, du point de vue de la conscience. Parce qu’on travaille tous «dans la boîte» qu’est le système. Mais notre niveau de conscience nous appartient et c’est là que naissent toutes nos possibilités… et nos barrières.
  2. Les croyances : Quand une personne se met à intégrer la technologie en salle de classe, est-ce qu’elle remet automatiquement en question son référentiel pédagogique? Voit-elle l’élève comme un vase vide ou un vase plein? «Ça change quoi» dites-vous? Dans nos efforts de transformer l’expérience d’apprentissage des élèves, de nouvelles actions, de nouvelles pratiques sont fortement recommandées. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces pratiques reflètent une vision de la pédagogie transformée. Et la personne qui applique cette approche doit y croire pour réussir. Je vous donne un exemple. Je suis un enseignant de mathématiques et je crois que les élèves sont des vases vides. Mon rôle est de leur dire quoi penser, comment appliquer tel truc ou telle formule pour obtenir la bonne réponse. Le rôle des élèves est uniquement d’obéir, de travailler en silence et de faire ce que je dis, comme je le dis. Si mon collègue me dis que je dois inviter les élèves à avoir des conversations mathématiques, à rendre leur pensée visible, à découvrir des algorithmes personnels, à travailler en équipe, à chercher à comprendre… je vais lui dire qu’il est complètement fou! Et si par hasard certaines de ces nouvelles pratiques deviennent obligatoires et qu’on en fait le monitorage – vous avez des images? – je vais échouer! Personne ne peut réussir à transformer sa pratique sans réfléchir à ses croyances, sans avoir accès à des conversations qui l’amènent  à prendre conscience d’autres réalités. Personne. Il n’y a pas de raccourci dans la transformation de l’expérience de l’apprentissage. Il faut prendre le temps avec les adultes comme avec les élèves. En tout cas moi, j’apprécie apprendre de mes collègues, de mon réseau, des gens que j’accompagne. Pour moi, théoriquement au niveau du «S», on voit les élèves comme des vases vides alors qu’au niveau du «R», on voit les élèves comme des vases pleins. C’est pour moi la transformation la plus importante dans le virage. Une transformation intérieure qui permet d’utiliser consciemment la technologie pour «faire sortir de, tirer hors de» nos élèves.
  3. L’appui requis : En regardant le modèle SAMR, je me rends compte qu’il y a une évolution dans le type d’appui requis pour aider les gens à passer du «S» au «R». En effet, l’appui dont les gens ont besoin au début est davantage technologique. Ensuite, au niveau du «A» et du «M», les gens demandent de l’appui pédagogique. Ils se mettent à changer leur démarche pédagogique mais l’impact sur leur façon d’évaluer les élèves n’est pas toujours clair ou cohérent pour eux. Au niveau du «R», l’appui se fait au niveau de l’évaluation. L’examen, les tâches sommatives, la triangulation, la documentation pédagogique, le rôle de l’élève, quand on met une note, quand on donne de la rétroaction… Tout est transformé. J’en parle ici de façon bien théorique. C’est sûr qu’à tous les niveaux, il est question de technologie, de pédagogie et d’évaluation. Mais le cheminement intérieur du pédagogue qui passe du «S» au «R» est complexe et graduel. Et comme le dit si bien Seth Godin : «If failure is not an option, neither is success. Innovation is just repeated failure until you come up with something that works.»

«If failure is not an option, neither is success. Innovation is just repeated failure until you come up with something that works.» Seth Godin

Voici une image qui illustre un peu cette autre façon de voir le modèle SAMR

Capture d’écran 2017-03-26 à 15.41.02.png

J’invite les adeptes du sketchnote à ajouter à ces idées et à produire quelque chose de plus esthétique 🙂

Enfin, pour réussir dans le virage, je crois qu’il faut :

  1. Être conscient que le virage est d’abord intérieur
  2. S’entourer de gens qui peuvent nous aider à sortir de notre boîte
  3. Réfléchir
  4. Croire ce qu’on dit et ce qu’on fait en salle de classe
  5. Être patient avec soi-même.

Je lisais qu’un enfant tombe près de 100 000 fois en apprenant à marcher.

Combien de fois êtes-vous prêts à tomber dans le virage?

La valeur du virage n’est pas tant dans les résultats que nous obtiendrons, que dans qui nous deviendrons toutes et tous, dans ce processus continu.

Il faut sortir de sa boîte pour penser à l’extérieur de la boîte!

Bon succès à tous et merci de vos commentaires!

 

26 Mar, 2017

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Commentaires

19 Commentaires

  1. Marjorie

    C’est tellement ça! De l’intérieur. La remise en question demeure le point de départ essentiel. Pour se remettre en question ça prends des déclencheurs. Un réseau inspirant ça aide! Merci à toutes ces personnes inspirantes qui se sont manifestées ici!

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    • Marius

      Tu as bien raison, Marjorie. Le réseau est essentiel 🙂 Merci de ton commentaire

      Réponse
  2. zecool

    Il y a plus de 20 ans je le disais : le réel changement en éducation est d’abord personnel. Il appartient à chaque individu de revoir (et espérons-le) actualiser son référentiel pédagogique; c’est quoi, apprendre ? Quel est mon rôle auprès des jeunes ? Comment j’évalue ? Quels sont les liens entre compétences et connaissances ? Etc…

    Ton billet s’inscrit dans ma ligne de pensée, Marius. J’ose croire qu’avec d’autres (incluant ces joyeux passionnés qui ont commenté ce billet 🙂 ), les actions au quotidien à côtoyer les enseignants qui ont une obligation morale et sociale d’actualiser leur référentiel sauront se fructifier, en termes d’apprentissages des jeunes pour le monde d’aujourd’hui. Seth Godin a tellement raison : “Innovation is just repeated failure until you come up with something that works.”

    Ce qui ne cesse de m’étonner, c’est l’épaisseur des murs de la boîte de certains qui se sentent bien dans leur boîte, qui n’a pas besoin de changer. Des croyances solidement ancrées; d’autre diront du «fixed mindset» malheureusement trop figé. Pendant ce temps défilent des jeunes qui jouent la game de l’école, leur game… Mais au lieu de confronter ces gens au référentiel dépassé, il faut persévérer à articuler, démystifier, appuyer (par données de recherche de plus en plus nombreuses), mobiliser, déstabiliser pour mieux accompagner, vivre du changement, le mesurer, ajuster, actualiser, recommencer, outiller les leaders-en-devenir, actualiser encore. Ce phare qui recule toujours même en s’y approchant.

    Oh, et SAMR… C’est Puentadura (son auteur) qui m’a un jour montré sa méta-analyse d’études sur l’impact des TIC sur l’apprentissage : les études qui cibalient des interventions pédagogiq

    Merci Marius pour ta plume prolifique qui nous fait réfléchir.

    Réponse
    • zecool

      (Fin de mon commentaire)
      Oh, et SAMR… C’est Puentadura (son auteur) qui m’a un jour montré sa méta-analyse d’études sur l’impact des TIC sur l’apprentissage : les études qui décrivaient des activités pédagogiques se situant au M et R avaient un plus gros impact (positif sur l’apprentissage) que celles décrivant des activités de niveau S ou A…

      Réponse
    • Marius

      Merci Jacques pour cette réflexion et tes commentaires. Pour aider les gens à entretenir l’idée de sortir de leur boîte, je crois qu’il faut arriver à valoriser la réflexion (pas seulement l’action) et la remise en question du système de valeurs du modèle traditionnel. Et le faire sans passer le message que les gens avaient tort mais bien qu’ils avaient raison, tout ce temps, de vouloir la réussite de leurs élèves. Il ne leur manquait rien. Rien que la conscience du modèle et de la version d’eux-mêmes requis pour y arriver. Merci de prendre le temps de commenter. Je l’apprécie vraiment 🙂

      Réponse
  3. Patrick Valois

    Je commence à avoir un peu peur… C’est comme si tu lisais à l’intérieur de ma tête et que tu réussissais à traduire en mots ma pensée et ma vision… En plus, la lecture de ton texte me fait avancer et réfléchir à comment je m’y prends au quotidien pour transmettre cette vision. Chapeau, encore une fois, Marius.

    Réponse
  4. Patrick Valois

    Je commence à avoir un peu peur… C’est comme si tu lisais à l’intérieur de ma tête et que tu réussissais à traduire en mots ma pensée et ma vision… En plus, la lecture de ton texte me fait avancer et réfléchir à comment je m’y prends au quotidien pour transmettre cette vision. Chapeau, encore une fois, Marius.

    Réponse
    • Marius

      Merci pour ton commentaire Pat. Je suis content que ça puisse te servir. Je découvre de plus en plus que l’acte de réflexion qui accompagne l’acte d’écrire me sert également au quotidien. Ça clarifie les choses dans ma tête. Bonne réflexion 🙂

      Réponse
  5. Marie-Andrée Ouimet

    Mon billet préféré à date! Et un sketchnote en plus, bravo! Tes idées sont parfaitement alignées avec toutes nos réflexions actuelles (#tacedchat, #pubpd, #eduprof). J’aime particulièrement le fait que tu nous encourage à prendre des risques. Il faut essayer, se tromper, bref faire des erreurs pour cheminer, pour s’améliorer, pour innover. Merci du partage, merci de me faire réfléchir et merci du sketchnote!

    Réponse
    • Marius

      C’est tellement important de s’encourager et de se soutenir les uns les autres. Merci pour tes encouragements et ton soutien. Tes commentaires sont appréciés 🙂

      Réponse
  6. Andre savard

    Quelle belle sensibilité au monde qui nous entoure Marius. Une réflexion drôlement riche!

    Réponse
  7. Sylvie

    Merci de nous faire réfléchir comme tu le fais si bien et merci de faire partie de mon RAP!

    Réponse
    • Marius

      Merci Sylvie. Ton commentaire est apprécié 🙂

      Réponse

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  1. Des signes qui ne mentent pas… | Pédago 21 - […] Il faut sortir de Sa boîte pour innover à l’intérieur de LA boîte j’abordais en profondeur l’idée que le modèle SAMR…

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