Le 21e siècle a 17 ans, hein?

De la transmission du savoir au développement de personnes

Le 21e siècle a eu 17 ans, hein? Ça fly! Le virage au numérique amène le grand monde de l’éducation à se réinventer, à se transformer. Depuis 17 ans déjà, ce virage provoque d’intéressantes réflexions et conversations à tous les niveaux du système. Qui ne se souvient pas du discours de Sir Ken Robinson en 2006? « We don’t need a reform, education needs a revolution. It needs to be transformed into something else. » À cette époque, on parlait d’un changement de paradigme et les efforts du système étaient concentrés sur l’intégration de la technologie, les outils, sur l’infrastructure, l’accès à Internet, sur les compétences du 21e siècle. C’était gros, le 21e siècle. On se disait qu’en intégrant la technologie, les élèves apprendraient mieux, qu’ils seraient plus engagés, qu’ils développeraient des compétences. C’était le début du virage. Tout était flou, tout était à créer. Le modèle SAMR nous aidait et nous aide encore à nous projeter dans l’avenir, dans cette autre façon de faire l’éducation. Plusieurs écoles ont franchi l’étape du piton. L’infrastructure est en place. Les adultes ont des bases solides avec les nouvelles technologies. Et avec le temps, les choses se clarifient. On constate même un certain retour du balancier. En effet, les gens parlent de plus en plus de pédagogie, de différenciation, de mentalité de croissance, de relations, de la voix de l’élève, de la personnalisation, d’effet enseignant, de leadership. Ce qui devient de plus en plus clair, c’est que le mandat de l’éducation se voit transformé grâce aux possibilités que nous offrent les nouvelles technologies, oui, mais ce sont des personnes qui actualisent la transformation du système, pas la technologie. En fait, ce que je veux dire c’est que ce n’est pas un automatisme. Le virage au numérique, il se passe d’abord à l’intérieur des différents acteurs dans le système. Le virage, c’est un appel à devenir. Devenir plus, parce que le mandat a changé. Si autrefois le mandat était de transmettre le savoir, aujourd’hui, nous avons la responsabilité de développer les compétences des élèves. Du 21e siècle, mais aussi de tous les siècles. Les «soft skills», c’est important plus que jamais. Nous avons le noble mandat de développer des personnes. Quel privilège! Autrefois, il fallait aimer sa matière, maintenant, il faut aimer davantage ses élèves. Pensez-y un instant. Qu’est-ce que le système doit devenir pour transformer l’expérience d’apprentissage des élèves? Bonne question. Une chose est certaine, le système, c’est du monde. Du monde en devenir. Du monde avec des émotions, des aspirations, des talents, des forces.

Repenser le succès

Cette transformation de notre système, de l’expérience d’apprentissage des élèves nous amène à faire une place importante à l’élève. On parle de la voix de l’élève, d’un nouveau partenariat éducatif, de compétences, de tâches authentiques, d’une approche axée sur l’auditoire. Des émotions dites-vous? Pas de stress! Comme au golf, évitons d’essayer de tout contrôler. Il faut simplement s’élancer. Souvent. Alors dans un tel contexte, il est naturel de revoir notre conception du succès, de la réussite. La conception traditionnelle du succès se mesure de différentes façons. Passer un test, avoir de bonnes notes, des crédits, une bonne moyenne, des accomplissements, un bon taux d’obtention de diplôme, la performance au testing provincial, etc. Il y a aussi le climat scolaire, les amis, les activités parascolaires et toutes les données qualitatives qui se mesurent moins facilement. Sondage! À mon humble avis, la conception traditionnelle du succès, aux yeux du système, se résume à deux choses : 1. Amener l’élève à découvrir ses passions, ses talents, sa raison d’être. 2. Amener l’élève à atteindre ou à dépasser son potentiel. Quand un élève quitte l’école, qu’il fait un travail qui le passionne et qu’il gagne bien sa vie, on peut dire qu’il réussit et que le système a contribué à cette réussite. Avec le virage au numérique, avec les possibilités d’aujourd’hui, l’avenir, c’est maintenant. C’est donc dire qu’on ajoute une troisième composante à notre conception du succès : Contribuer au monde. Pas plus tard, «quand tu vas être grand». Maintenant. Quand les gens autour de nous profitent de notre expertise ou de notre simple présence, c’est ce qui nous amène tous à avoir un sentiment d’accomplissement. C’est ce qui rend heureux. Tout le monde, y compris nos élèves, recherche ce sentiment d’accomplissement, qui ne s’obtient qu’en ajoutant de la valeur aux autres autour de soi. Donnez et vous recevrez. Il y aurait donc trois composantes au succès. 1. Trouver sa voie. 2. Atteindre son plein potentiel. 3. Contribuer au monde. Dans le monde d’aujourd’hui, les trois sont nécessaires pour être heureux, pour pouvoir dire haut et fort : succès! Fait intéressant, cette formule s’applique aussi à tous les acteurs du système! Serions-nous donc tous appelés au bonheur? De la transmission du savoir à l’intégration de la technologie au développement des personnes. Le “blueprint” (modèle ou référentiel pédagogique) de la salle de classe doit assurément changer… Chose certaine, on enseigne à des êtres en devenir, des êtres qui ont des émotions, des aspirations, des êtres qui veulent et qui peuvent contribuer dès maintenant au vrai monde, des êtres qui ont une vie à l’extérieur de l’école, des êtres qui ne peuvent être réduits à leurs simples résultats scolaires de l’année précédente. Think big, dites-vous? Absolument!

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Possible?

La technologie nous offre tellement de possibilités. Or la technologie est aussi puissante que notre pédagogie, que nos actions. Les possibilités à elles seules ne changent rien. En effet, ce n’est pas parce qu’on intègre la technologie en salle de classe que les élèves trouvent leur voie, qu’ils atteignent leur plein potentiel, qu’ils développent leurs compétences, qu’ils contribuent au monde. Tout dépend de la démarche pédagogique conçue par l’enseignant et par les élèves. Je parlais de l’importance du leadership dans un récent billet. Tout enseignant peut suivre la démarche proposée dans un manuel scolaire mais ça prend un leader pour planifier l’itinéraire, pour ajuster l’itinéraire en cours de route. Dans la salle de classe d’aujourd’hui, dans la classe où l’élève a une voix, où le curriculum est au service de l’apprentissage et de la conversation, dans la classe où on saisit les possibilités qu’offre la technologie, on doit parler de leadership. Pour réussir à créer cette salle de classe transformée, il faut innover à l’intérieur de la boîte. On n’a qu’à penser au projet 20%, au mouvement maker, à la robotique pédagogique, au blogue, au codage… Ce sont des portes d’entrée à l’innovation qui ont ce point en commun : il n’y a pas de manuel. Ces projets ou approches exigent de l’enseignant qu’il devienne concepteur de l’itinéraire d’apprentissage avec et/ou pour ses élèves. Ça amène l’enseignant à porter naturellement son chapeau de guide, à entrer en relation avec ses élèves, à donner de la rétroaction plutôt qu’une note. Ça crée de l’incertitude, oui, et ça nourrit aussi son sentiment d’accomplissement. Leadership pédagogique. Parce qu’il faut aussi savoir comment répondre aux exigences du système, comme le testing provincial et les bulletins, tout en permettant aux élèves d’apprendre et de développer leurs compétences. Développer des compétences, développer des personnes, ça prend du temps. C’est organique. Ça nous demande d’accorder plus d’importance à nos élèves qu’au contenu qu’on enseigne. Et ça doit paraître dans nos actions, dans notre pédagogie, et même dans le discours intérieur qu’on se fait quand on pense à nos différents élèves. Tout s’aligne. Notre mentalité détermine notre discours intérieur, qui détermine nos émotions et ce qui est possible ou impossible, ce qui détermine les stratégies qu’on met en place, qui mène aux résultats qu’on obtient. On fait ce qu’on pense et ça devient notre réalité. Pour transformer l’expérience d’apprentissage des élèves, il faut d’abord transformer notre discours intérieur. Alors, qu’est-ce qui est possible ou impossible pour vous? Qu’est-ce qui est responsable des résultats que vous obtenez présentement?

Des êtres en devenir

Enfin, nous avons désormais le mandat de développer des personnes. Nous sommes donc invités, plus que jamais, à être des apprenants à vie. Comment pouvons-nous ajouter de la valeur à nos élèves si nous ne sommes pas en croissance continue? En effet, chers collègues, notre savoir n’est plus notre plus grand atout. Non. Notre valeur se trouve dans ce qu’on fait avec ce qu’on sait, dans nos compétences, dans notre capacité à aider les autres à croître, à rehausser les élèves qui nous sont confiés. Notre valeur, c’est qui nous sommes. Être. Et nous sommes des êtres en devenir.

Alors, la question à se poser n’est pas «Que dois-je faire?» mais bien «Qui dois-je devenir?» pour transformer l’expérience d’apprentissage des élèves.

Le 21e siècle a 17 ans. Pensez-y. Ce qui compte, ce n’est pas d’être parfait. Ce qui compte, c’est de commencer le virage et de rester en mouvement. Fail forward, comme dirait l’autre.

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22 Jan, 2017

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Commentaires

4 Commentaires

  1. Frédéric Brazeau

    Merci Marius pour cette réflexion. C’est clair pour moi aussi que ce n’est pas la technologie qui transforme notre système d’éducation; ce sont les gens en place qui le façonne et l’influence. La technologie c’est un moyen, pas une fin en soi. Ça donne encore plus de poids à l’effet enseignant et à la relation de confiance à établir avec nos élèves.

    Réponse
    • Marius

      Bien d’accord, Frédéric. Merci de ton commentaire 🙂

      Réponse
  2. Anonyme

    Wow! Tout ce qui est écrit résonne en moi. JE SECONDE en lettres majuscules!
    Merci

    Réponse

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  1. Des signes qui ne mentent pas… | Pédago 21 - […] de connaissances au développement de compétences, de personnes. J’aborde le sujet dans Le 21e siècle a 17 ans, hein? Mais…

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