Tout le monde est un leader
21 incontournables du leader pédagonumérique
Je ne peux pas croire qu’en 2023…
Partons du principe que le but de l’école est d’outiller les jeunes pour la vraie vie. À une certaine époque, il aurait été jugé irresponsable de ne pas enseigner aux jeunes à monter à cheval et à se battre avec une épée. La réalité de l’époque l’exigeait. Pourtant aujourd’hui, ces habiletés sont devenues des sports (courses de chevaux, escrime). Cet exemple est tiré de Future learning : Mini Documentary. Il doit être difficile de constater à quel moment une habileté devient désuète. Je me demande combien de temps une prise de conscience comme celle-là peut prendre à une société.
Aujourd’hui, il est raisonnable d’affirmer qu’internet, le numérique, et l’intelligence artificielle ont refaçonné notre société, et ce n’est pas fini, ce n’est qu’un début (j’entends la toune…). Dans l’école d’aujourd’hui, il serait donc jugé irresponsable de ne pas enseigner… (remplir le tiret) aux jeunes. La réalité d’aujourd’hui exige… (remplir le tiret). Je ne peux pas croire qu’en 2023… (remplir le tiret en tenant compte de votre perception de la réalité).
Défendre l’école d’hier? ou Créer l’école d’aujourd’hui?
Le numérique fait son chemin et nous constatons toutes sortes d’usages du numérique. Voici un exemple : le plan de travail. Une personne habile avec le numérique peut facilement placer les jeunes dans une cage numérique de laquelle ils ne peuvent pas s’échapper. Accès contrôlé par l’enseignant, parents notifiés automatiquement par Classroom en fin de journée, historique des révisions… Contrôle et automatisation. Le sens de la présence scolaire peut alors devenir : je viens à l’école faire le travail. Le jeune a des choix mais il est encore isolé et produit, au rythme choisi par son enseignant, qui a toujours un prochain travail à lui assigner. Et c’est pas fini, ce n’est qu’un début… Le jeune aussi, entend la toune.
Il n’y a rien de mal avec le plan de travail.
Or la raison d’être de l’éducation est de propulser l’être. Certains utilisent le plan de travail dans une approche globale conçue pour développer les jeunes. Discussions et présentations de groupe, enseignement explicite, expériences authentiques, projets personnels et coaching, plan de travail, décloisonnement… font partie d’un design pédagogique conçu pour propulser l’être.
«La raison d’être de l’éducation est de propulser l’être. » – Marius Bourgeoys
Revenons à la réalité. Celle des jeunes et la nôtre. Max Depree affirme ceci : « La première responsabilité d’un leader est de définir la réalité. » À quoi ressemble la réalité que nous offrons aux jeunes à l’école présentement.
Sommes-nous en train de défendre l’école d’hier? ou Sommes-nous en train de créer l’école d’aujourd’hui?
Il n’y a pas juste des requins dans l’océan.
Mon parcours avec le numérique me ramène toujours à l’humain. Le numérique est un levier, un accélérateur. Le numérique qui augmente l’humain, ce n’est pas automatique. Ça prend un pilote dans l’humain. Et c’est ce pilote qu’on veut installer à l’intérieur des humains qui nous sont confiés dans l’école d’aujourd’hui. Si seulement ce pilote pouvait être téléversé/installé à distance… Il y a des choses qu’on ne peut pas confier au numérique. Comme de vivre sa vie, de ressentir, d’entrer en relation avec d’autres, de s’essayer, d’être l’entrepreneur de sa vie, de se réaliser, d’apprendre à devenir, dans la vraie vie, d’aujourd’hui, pas celle de 1987. Même si on ressent possiblement une connexion plus profonde à cette époque, où la vie semblait, peut-être, plus simple et que l’école, c’était pas si compliqué. Le numérique n’a pas que du positif. Et il n’y a pas juste des requins dans l’océan, non plus.
« Le numérique augmente l’humain. » – Alexandra Coutlée (selon mes sources)
En toute humilité, voici 21 incontournables du leader pédagonumérique. Vous constaterez qu’ils sont très humains. Ils sont le fruit d’une intégration réussie du numérique, selon mon expérience. Je me suis arrêté à 21. Je trouvais que 83, c’était moins attrayant 😉
1. Être en apprentissage : Comment pouvons-nous espérer outiller et accompagner les jeunes qui nous sont confiés si nous ne sommes pas nous-mêmes dans la game de l’apprentissage? LE préalable pour oeuvrer en éducation, c’est d’avoir une posture d’apprenant et d’être en apprentissage au quotidien. Ce qui est sous-entendu ici, c’est qu’on ne peut pas tout savoir. Quel cerveau peut rivaliser avec Google, YouTube et ChatGPT (par exemple)? Laissons tomber le poids qui vient avec la nécessité de tout savoir, expirons… et soyons des apprenants. C’est suffisant. Vous êtes suffisants.
2. Être au service de l’autre : Le but de notre présence est d’aider l’autre (le collègue, l’élève, le parent…) à développer son pilote intérieur. Or nous avons tellement besoin de choses de l’autre pour nous acquitter de nos responsabilités. Besoin de son attention, besoin de son travail remis à temps, besoin de son adhésion au projet de l’école, besoin de son obéissance, besoin de son engagement… Comment ce que nous faisons présentement est-il au service de l’autre?
3. Être un modèle d’intégrité pédagonumérique : À quoi ressemble le profil de l’humain qui possède ce pilote intérieur? Où en sommes-nous par rapport à ce profil? On enseigne ce qu’on sait mais on reproduit qui on est. Les jeunes apprennent beaucoup en observant les adultes autour d’eux. N’exigeons pas des jeunes ce que nous ne faisons pas nous-mêmes. Des idées vous viennent à l’esprit?
4. Être à l’écoute : Lorsque nous parlons, nous répétons ce que nous savons déjà. Lorsque nous écoutons, nous avons la chance d’en apprendre au sujet de l’autre, de ce qu’il pense, de qui il est… Pour être à l’écoute, il faut s’intéresser à l’autre et lui poser des questions. Comment ça va? est un excellent point de départ pour bâtir des relations solides. On obtient seulement les réponses aux questions qu’on pose. Quelles autres questions vous viennent à l’esprit?
5. Pédagogie axée sur le développement de la personne (et non sur le classement des personnes) : Pour propulser l’être, il faut un design pédagogique, des stratégies et une approche. Lorsqu’on se dit que l’éducation n’est pas là pour classer les jeunes qui nous sont confiés, il y a des choses qu’on fait autrement. Par exemple, on sépare le comportement et le rendement. Le quiz du vendredi devient formatif. On amène les jeunes à se comparer à une norme de qualité qu’ils peuvent tous atteindre avec de l’effort, des stratégies et de l’aide… Le numérique offre tellement d’opportunités qui rendent possible une telle pédagogie. Qu’est-ce qui changerait dans votre milieu si vous décidiez sérieusement d’adopter une pédagogie axée sur le développement de la personne?
6. Moins de contenu, plus de profondeur et de pertinence : La gestion du désengagement exige tellement d’énergie en éducation. Pour installer le pilote dont il est question, les jeunes doivent aller en profondeur. Le but étant d’amener les jeunes à s’engager, à croire en eux, à découvrir tout ce dont ils sont capables. La pédagogie axée sur le développement de la personne exige une amélioration marquée de la relation entre les adultes et les jeunes. Pour qu’un jeune accepte d’aller en profondeur, pour qu’il accepte d’améliorer la qualité d’une même tâche, ça prend une relation de confiance, un design pédagogique qui a du sens et la tâche doit être pertinente aux yeux du jeune. Le numérique offre un univers de possibilités pour augmenter la pertinence de la présence scolaire. Si vous aviez l’âge de vos élèves, en quoi l’expérience scolaire que vous leur offrez serait-elle pertinente à vos yeux?
7. Explorer l’IA et les usages du numérique : Chaque jour où vous ne vous intéressez pas à l’IA ou au numérique, vous prenez du retard. C’est impossible de tout savoir et on ne sait pas ce qu’on ne sait pas. On ne peut pas profiter des avantages du numérique sans explorer les possibilités que nous offre le numérique. Et il n’y a pas de fin. Ma suggestion : n’attendez pas la formation. Vous avez accès à internet? Go!
« Chaque jour où vous ne vous intéressez pas à l’IA ou au numérique, vous prenez du retard. » – Marius Bourgeoys
8. Penser verbes (intentions) plutôt que noms (pitons) : Les outils numériques (noms) changent et évoluent. Ce qui compte, ce sont nos intentions pédagogiques (verbes). Voici quelques verbes intéressants qui me viennent à l’esprit : transformer, systématiser, automatiser, écouter, regarder, personnaliser, se cloner, communiquer, organiser, analyser, créer, réfléchir, décider, vérifier, discuter, valider, lire le contexte ou la situation de communication, programmer… On choisit les verbes pour concevoir l’expérience d’apprentissage. Ensuite, on choisit les noms (outils) qui peuvent propulser notre pédagogie. Quels verbes reflètent le mieux votre pédagogie présentement du point de vue de l’élève?
9. Réseauter : L’éducation est un sport d’équipe. L’isolement est un choix qu’on fait. Se créer un réseau est un incontournable dans le monde d’aujourd’hui. Cela exige une présence en ligne. Avoir une présence en ligne augmente notre pertinence et notre crédibilité aux yeux des jeunes. Ils savent assez vite qui ils peuvent aller voir (ou non) concernant des situations ou des enjeux médias-sociaux qu’ils vivent. Si vous ne le faites pas pour vous, je vous invite à le faire pour les jeunes. « Yé ben fin M. Bourgeoys, on reste poli avec lui mais il n’a aucune idée de ce que c’est que d’être un jeune en 2023.» Je ne veux pas ça pour moi, ni pour vous. Présentement, on interdit aux adultes certaines plateformes jugées inappropriées mais les jeunes, eux, les fréquentent. Hmmm. Qu’est-ce que ça communique? Comment pouvons-nous être au service des jeunes (no 2), si nous ne sommes pas présents dans le numérique, ne serait-ce que pour comprendre leur réalité et les accompagner?
« Présentement, on interdit aux adultes certaines plateformes jugées inappropriées mais les jeunes, eux, les fréquentent. Hmmm. Qu’est-ce que ça communique? » – Marius Bourgeoys
10. S’indigner et créer l’urgence d’agir pour nos jeunes : J’ai pris cette idée de Federico Puebla, fondateur de Créativité Québec, que j’ai reçu à Tout le monde est un leader. Vous pouvez écouter l’épisode ici. La vérité, c’est que personne ne viendra cogner à votre porte pour vous dire qu’il est temps d’agir pour nos jeunes. Ça demande de se laisser émouvoir par l’histoire de chaque jeune. S’indigner, c’est personnel, c’est dans les tripes. C’est un choix que vous devez faire personnellement, et ensuite en équipe. Qu’est-ce qui pourrait créer l’urgence d’agir maintenant pour que nos jeunes soient propulsés dans leur projet de vie avec tout ce qu’ils sont, parce qu’ils sont passés chez nous?
11. Créer les conditions : Pour que ça change, il faut créer les conditions. Il faut prendre du temps à l’horaire, ouvrir le dialogue, créer un climat de confiance, mettre nos idées sur la table et trouver des solutions créatives, à l’intérieur de la boîte. Comment pourrions-nous créer les conditions?
12. Valoriser la diversité : Pour que ça change, il faut valoriser la diversité des opinions, la diversité des parcours, la diversité des formes d’intelligence, la diversité dans le potentiel de chacun, bref, la diversité dans les différentes formes que peut prendre la «réussite». Le numérique nous permet de personnaliser l’éducation. Ça n’a pas de sens de personnaliser l’éducation, et de standardiser la réussite. Comment pourrions-nous élargir notre conception de la réussite?
« Ça n’a pas de sens de personnaliser l’éducation, et de standardiser la réussite. » – Marius Bourgeoys
13. Planifier qu’on va s’ajuster : La transformation dont il est question ne se fait pas en ligne droite. Il ne faut donc pas tomber en amour avec le plan, mais bien avec ce qu’on vise. Voici une question importante à se poser individuellement et en équipe. Elle est remplie d’amour. Comment réagissons-nous habituellement lorsque les jeunes nous offrent des évidences que nous ne sommes pas en contrôle?
14. S’enlever du chemin, donner une voix et favoriser l’agentivité : Pour que les jeunes apprennent à prendre de bonnes décisions, il faut leur laisser prendre des décisions et les accompagner. Pour que les jeunes disent ce qu’ils pensent et ce qu’ils ressentent, on doit s’intéresser à eux et leur donner une voix. Les adultes dans leur vie sont tellement tous occupés. Qui prend le temps de les écouter présentement? Pour que les jeunes soient outillés pour contribuer au monde d’aujourd’hui, il faut donner une place à leurs projets et les amener à développer leur agentivité, leur pilote intérieur. Sommes-nous prêts à lâcher prise, à nous enlever du chemin, à voir et à tolérer ce dont sont réellement capables les jeunes qui nous sont confiés? Sommes-nous prêts à regarder la réalité en face? Le chemin le plus court entre où nous sommes en éducation et où nous souhaitons aller, c’est la vérité.
15. Laisser les meilleures idées gagner : Celle-là aussi vient de Federico Puebla. En équipe, on brasse les idées, pas les personnes. Et on laisse notre ego à la porte. Comment pourrions-nous faire en sorte que les meilleures idées gagnent en éducation?
16. Documenter le processus : Dans une pédagogie axée sur le développement de personnes, on documente (portfolio) le processus d’apprentissage des jeunes dans un portfolio de progression (pas de performance). De la même façon, il importe de documenter le processus qui mène à la transformation de l’expérience d’apprentissage des jeunes. Cela permet de voir la progression dans les questions, les actions, les pistes de solution, les apprentissages… qui sont faits en cours de route. Cela rend concrète la transformation, met en lumière l’importance du travail d’équipe et, j’ose dire, cultive l’efficacité collective.
17. Laisser l’échec être l’enseignant : Nous savons que le déploiement du plan ne se fera pas en ligne droite. L’échec, la confusion, l’ambiguïté, la quête de sens… feront partie du processus… d’apprentissage. Par exemple, si un groupe d’enseignants expérimente avec la robotique, disons avec le Bee-Bot, et que la leçon ou l’expérience ne se déroule comme prévu, allons-nous dire : «On s’est planté ben raide ce matin. On est poche en robotique»? ou «Wow! Ça ne s’est pas passé comme nous l’avions anticipé. Nous sommes en train de bâtir notre compétence en robotique pédagogique. Qu’avons-nous appris de cette expérience. »? Vous entendez la différence? Comment pouvons-nous amener les jeunes à apprendre de leurs échecs si nous voyons nos échecs comme des preuves de notre incompétence plutôt que comme des occasions d’apprentissage?
18. Valoriser la curiosité plus que la connaissance : On veut des certitudes en éducation. Il faut que ça marche. Or n’est-ce pas arrogant de penser qu’on sait tout ce qu’il y a à savoir au sujet de l’éducation de nos élèves, de ce qui est bon et utile pour eux dans le monde d’aujourd’hui? Les connaissances (matières scolaires et pédagogie) et l’enseignement explicite de celles-ci sont indispensables, à mon avis. Or ce n’est pas tout et mon invitation est la suivante : Soyons curieux. Lorsque nous sommes curieux, cela signifie que nous voulons savoir quelque chose. Si nous voulons savoir quelque chose, c’est que nous ne le savons pas. Être à l’aise avec l’idée de ne pas savoir quelque chose, c’est ce qui nous permet d’activer notre curiosité. Pour ma part, je suis curieux d’en savoir plus au sujet du potentiel à découvrir qui se cache à l’intérieur de chaque personne que je rencontre. Je suis curieux d’apprendre jusqu’où nous pouvons aller en pédagogie et en travail d’équipe en éducation. Si un danger guette le progrès de l’éducation, ce n’est pas tant l’IA, mais le manque de curiosité. Autre question remplie d’amour : Comment une personne peut-elle penser être qualifiée pour oeuvrer en éducation, pour être au service des jeunes en 2023, si cette personne n’est pas, à la base, curieuse?
« Être à l’aise avec l’idée de ne pas savoir quelque chose, c’est ce qui nous permet d’activer notre curiosité. » – Marius Bourgeoys
19. Garder le cap : Dès qu’on s’indigne et qu’on s’engage à agir pour nos jeunes, il faut garder le cap et se souvenir des raisons qui nous ont motivés au départ. On s’assure ensuite de choisir intentionnellement les habitudes quotidiennes qui sont alignées avec nos objectifs. Qu’avez-vous le goût de viser pour les jeunes qui vous sont confiés présentement? Quelles habitudes quotidiennes, quelles stratégies vous permettraient de progresser de façon constante? Cohérence et constance.
20. SE évaluer, SE mobiliser, SE transformer : La seule personne à l’intérieur de votre zone de contrôle, c’est vous. SE, c’est puissant. Ça veut dire qu’on regarde la source de notre pouvoir d’action. Si on veut que ça change, on peut changer. On SE évalue, on regarde où on est présentement par rapport à ce qu’on souhaite offrir aux jeunes et on SE mobilise. En 2017, j’ai écrit La transformation, ça commence EN vous! Pour transformer l’éducation, on SE transforme soi-même. On transforme sa pratique, sa posture, son approche, son regard sur l’autre… Où en êtes-vous présentement? Sur quel aspect de votre pratique êtes-vous en train de travailler?
21. Avoir confiance que nos pieds savent où aller : Je crois en l’idée que nous avons tous en nous une intelligence universelle, une petite voix, une sagesse, une conscience. Je vous laisse choisir comment la nommer. Pensez à toutes les occasions dans votre vie, personnelle et professionnelle, où une situation imprévue s’est présentée à vous et que vous deviez intervenir. Quand le moment se présente, quand le besoin d’agir s’annonce, on fait quelque chose. Si vous lisez ce billet, c’est que vous êtes toujours là. En matière de leadership pédagonumérique, comme dans la vie, on ne peut pas tout prévoir. On voit pas toujours clairement nos 37 prochains pas. Or l’éducation est un sport d’équipe, c’est un sport humain et vous n’êtes pas seuls. Je vous invite à considérer la question suivante : Quel pourrait être mon plus petit prochain pas en matière de leadership pédagonumérique? Faites-vous confiance. Vos pieds savent où aller.
En conclusion, comme le disait Paulo Coelho : « Les bateaux sont en sécurité dans le calme d’un port mais ce n’est pas pour cela qu’ils ont été construits. »
Les jeunes ne passeront pas leur vie à l’école. À nous de faire en sorte qu’ils soient outillés pour leur vie.
Merci de vos commentaires!
Jusqu’où pouvons-nous aller en pédagogie?
Il y a de la souffrance au pouce carré en éducation présentement. Je dis ça parce qu’on pourrait dire que l’opposé de la souffrance, c’est le bien-être ou le bonheur. Partout en éducation, on parle de l’importance du bien-être. Je me dis que ça doit être parce qu’il y a de la souffrance… Il n’y a pas grand-chose qui vient me chercher plus que de voir des gens souffrir en éducation. Peu importe le rôle ou la fonction. Et c’est ce qui m’amène à écrire aujourd’hui, en ce 15 janvier 2023. J’aime le monde et j’aime le monde de l’éducation. Lorsqu’on aime, on ne pointe pas du doigt, on essaie simplement d’aider les autres à éviter la souffrance. En lisant les lignes qui suivent, sachez que mon clavier est rempli d’amour.
« Tant que … n’aura pas…, y’a rien à faire! »
Plusieurs choses pourraient améliorer l’éducation en ce moment. Je vous invite à imaginer 2 listes. La première liste est longue, c’est la liste de toutes les choses hors de votre zone de contrôle qui pourraient améliorer votre réalité. Le ministère, la formation initiale, les élèves, vos collègues, vos superviseurs, les ressources, pas de ChatGPT… tout ce qui se trouve à l’extérieur de vous. Si vous mettez l’accent sur cette liste, vous vous placez inconsciemment dans une position d’impuissance où vous devez attendre que quelqu’un d’autre change votre réalité. Ça fait souffrir, ça. « Tant que … n’aura pas…, y’a rien à faire! »
- Est-ce que le ministère peut faire mieux? C’est sûr.
- Est-ce que la formation initiale doit être meilleure? Oui.
- Est-ce que les élèves doivent prendre leurs responsabilités? Mets-en.
- Est-ce que vos collègues et vos superviseurs pourraient être meilleurs?
- Est-ce qu’on pourrait avoir de meilleures ressources? Oui.
- Est-ce que la technologie crée une onde de choc, encore une fois?…
Sur la première liste, au mieux, on a de l’influence et on s’adapte.
Y croyez-vous?
Heureusement, il y a une deuxième liste. Sur cette liste, il y a vous et tout ce qui se trouve directement dans votre zone de contrôle et qui pourrait améliorer votre réalité au quotidien. Tout votre pouvoir d’action est là. Mes expériences en éducation m’ont amené à croire vivement que tout le monde a un pouvoir d’action dans sa réalité. C’est pour cela que j’affirme que tout le monde est un leader. Ça ne veut pas dire que tout le monde est le DG du district, du CS ou du CSS. Non. Ça veut dire que peu importe votre fonction ou votre rôle en éducation, vos actions quotidiennes sont importantes. Ça veut dire que vous avez un pouvoir d’action dans votre réalité. « Marius, es-tu en train de dire que si je m’améliore, ma réalité peut s’améliorer? » Exactement.
Mais y croyez-vous, en votre pouvoir d’action? Pensez-y sérieusement avant de vous répondre à vous-même. Tout part de cette réponse pour vous « en ce moment » (j’avais le goût d’écrire « en 2023 »).
Pourquoi souffrir?
Revenons à la souffrance (C’est tellement l’fun). Allan Lokos affirme ceci : « La souffrance est généralement liée au fait de vouloir que les choses soient différentes de ce qu’elles sont. »
Dieu sait à quel point nous avons tous un point de vue intéressant au sujet de ce qui pourrait mieux aller en éducation. En parlant de la 1re liste…
Or en mettant l’accent sur la 2e liste, vous et vos actions, voici 3 questions à considérer pour améliorer votre réalité en 2023 :
- Quels changements aimeriez-vous voir dans votre réalité en éducation? En autres mots, quels aspects de votre réalité en éducation vous causent de la souffrance?
- Si 2023 était mieux que 2022, qu’est-ce qui serait différent? Quelles actions quotidiennes de votre part seraient différentes?
- Quels aspects de votre pratique avez-vous le goût de travailler en 2023? Quels sont vos objectifs?
Je me dis, pourquoi souffrir lorsqu’on peut agir? Or pour agir, on doit savoir ce qu’on veut et ce qu’on vise.
Combien de temps ça va prendre?
J’ai commencé à vraiment m’intéresser au leadership en lisant les livres de John C. Maxwell. Dans un de ses livres (j’oublie lequel), il explique son cheminement en tant que leader. Il raconte que son objectif en début de carrière était de devenir un expert en leadership. Sa question au départ était quelque chose comme : « Combien de temps ça va prendre? ». C’est une question qui revient souvent en éducation lorsqu’on ose parler d’améliorer les choses avec une initiative quelconque. Il y a toujours quelqu’un qui pose la question du temps. Quand on y pense, « Combien de temps ça va prendre? » exprime le désir que ça finisse à un moment donné. Comme si on n’y croyait pas tellement. « C’est intéressant la transformation de l’éducation mais combien de temps ça va prendre?! » Au début, on pose la question du temps. Au début, on veut un fil d’arrivée.
Jusqu’où pouvons-nous aller en pédagogie?
John C. Maxwell raconte que la question a évolué en cours de route. Il affirme qu’il s’est passé quelque chose à l’intérieur de lui lorsqu’il a commencé à développer son expertise. Quelque chose d’inattendu. Il a eu le « feeling ». Le sentiment d’efficacité personnelle, le désir d’aller plus loin. Si bien que la question est devenue : « Jusqu’où je peux aller? ». Il y a un monde de différence entre « Combien de temps ça va prendre? » et « Jusqu’où je peux aller? ». En fait, entre les deux, il y a le « feeling » de bien-être. Je remarque que les gens qui sont en mouvement en éducation, ont ce même « feeling » de bien-être. Ils ont des idées, des objectifs, des prochaines étapes claires… Ils sont dans la « game » de l’amélioration continue. Ici, il n’y a pas de fil d’arrivée. Vous me suivez?
Jusqu’où pouvons-nous aller en pédagogie, les amis? Quelle question stimulante à se poser à soi-même et en équipe!
Et si on disait « oui » pour avancer?
La seule chose qui garantit une amélioration dans nos écoles, c’est une amélioration dans nos pratiques. Pour améliorer les choses, il faut savoir ce qu’on veut. Pour atteindre nos objectifs, il faut en avoir. C’est important, nos objectifs. Ils nous affectent. Ils nous tirent vers le haut. Ils nous aident à devenir tout ce qu’on peut. Ils nous aident à remplacer l’impuissance par l’action intentionnelle, la souffrance par le « feeling ». Si vous souhaitez avoir le « feeling » en 2023, si vous dites « oui » à l’amélioration continue, vous devrez aussi dire « oui » à des actions auxquelles vous avez possiblement dit « non » dans le passé. C’est normal. Je vous invite simplement à en être conscient. Dans un sens, quand on dit « oui », on avance. Quand on dit « non », on reste à la même place.
À quand remonte la dernière fois que vous avez eu des papillons à l’idée d’essayer quelque chose intentionnellement pour agir sur votre réalité?
Demain matin, lorsque vous allez fermer votre porte de classe ou votre porte de bureau, rappelez-vous que, pour les gens qui vous entourent, le système de l’éducation, c’est vous. Et je crois fermement que vous avez en vous, tout ce qu’il faut pour l’améliorer.
Cette année, plutôt que d’attendre que les autres changent (1re liste), je vous souhaite de cibler des objectifs ambitieux.
Bonne et heureuse année 2023!
Merci de vos commentaires
« Ça va prendre plus que deux toasts au Cheez Whiz et une bonne nuit de sommeil. »
C’est le mois de décembre. Êtes-vous heureux? Plus que quelques semaines avant le congé des Fêtes. Ça va faire du bien n’est-ce pas? Cette semaine, j’ai eu la chance d’offrir des formations en leadership à différents groupes de directions d’écoles. En personne! Il faut le préciser maintenant. Un constat qui est revenu souvent dans nos mises en commun est notre besoin, en tant qu’humains, d’être écoutés. Plus que jamais, nous remarquons l’importance et la nécessité d’être à l’écoute de son personnel et des élèves. La performance est importante, les résultats sont importants. Mais les personnes sont plus importantes. Autrement…
Le besoin de base
Le leadership, c’est sensé aider les gens. Pour aider les gens, il faut les écouter, les rassurer, les encourager. Pour faire ça, on doit être disponible, physiquement, mentalement et émotionnellement. Pendant une des mises en commun, j’écoutais attentivement mes collègues me parler de leur réalité et il m’est venu une nouvelle idée entourant le leadership dans le contexte actuel. Un contexte dans lequel il y a tellement de travail à faire or, on le sent et on le voit, les gens sont «fatigués». Ça va prendre plus que deux toasts au Cheez Whiz et une bonne nuit de sommeil. Vous me suivez? Voici l’idée qui m’est venue à l’esprit grâce à mes collègues : Présentement, les gens ont besoin d’une présence humaine de qualité dans leur vie. Leadership = présence humaine de qualité. C’est le point de départ. C’est le besoin de base.
L. E. A. D. E. R. S. H. I. P.
Décembre est le moment tout désigné pour prendre une pause et faire le bilan de son année et, pourquoi pas, de son leadership. Je vous propose donc un outil de réflexion sous forme d’acrostiche, en espérant que cela vous aide à offrir une présence humaine de qualité aux gens que vous côtoyez d’ici au congé des Fêtes. Je vous souhaite aussi que cet outil vous aide à amorcer l’année 2023 avec conscience, intentionnalité et bienveillance. Quelle que soit votre fonction, le monde de l’éducation en a grandement besoin présentement.
Leviers : Dans votre horaire chargé, où sont les opportunités qui vous permettent d’être une présence de qualité pour les autres autour de vous?
Empathie et espoir : En vous plaçant dans la peau des autres, sans jugement, qu’est-ce qui leur redonnerait un peu d’espoir présentement?
Approche et attitude : Si on demandait à vos proches de décrire votre approche et votre attitude lorsque vous tentez de les aider ou de les amener à s’améliorer, que diraient-ils?
Devenir et détermination : Sur quoi mettez-vous l’accent lorsque vous regardez les gens dont vous êtes responsable? La performance actuelle ou la trajectoire?
Equipe, écoute et équité : Combien de fois par semaine vous sentez-vous réellement écouté? Comment vous y prenez-vous pour offrir aux personnes dont vous êtes responsable ce dont ils ont besoin pour progresser?
Relation et réflexion : Comment vont vos relations? À quelle fréquence prenez-vous le temps de réfléchir à votre leadership?
Service, sens et soutien : Comment, par vos mots et vos actions, donnez-vous un sens à ce qui se fait dans votre milieu?
Humilité et humour : L’humilité nous aide à ne pas être trop dur envers soi-même et, possiblement, à rire et à avoir du plaisir au quotidien. Comment ça va de ce côté-là? Tsé, rire ensemble…
Intégrité et introspection : Quelles valeurs guident vos actions présentement? La connaissance de soi est essentielle pour tout leader. Que connaissez-vous à votre sujet, en matière de leadership?
Processus, plan et progrès : Quel est votre plan pour développer votre leadership et pour développer les personnes autour de vous? À quoi ressemble la réussite pour vous d’ici la fin de l’année scolaire? Quels pourraient être vos 5 au quotidien en tant que leader? Comment allez-vous savoir que vous progressez? Quel pourrait être votre plus petit prochain pas?
Je me demande ce qui deviendrait soudainement possible en éducation si nous décidions que l’idée de nous offrir entre nous une présence humaine de qualité était LA priorité… Tout ce que ça prend, c’est une décision personnelle de chacun d’entre nous. Et ça coûte gratuit. Pas besoin de grand discours, pas de grande déclaration, pas de lancement officiel… Simplement offrir aux autres une présence humaine de qualité. Ça me rappelle ces paroles sages de Jim Rohn : « Je vais prendre soin de moi, pour toi, si tu prends soin de toi, pour moi. ».
Présence. Humaine. De qualité.
Bonne réflexion et bon dernier droit!
Merci de vos commentaires 🙂
« On enseigne pour le 25%. »
Il y a quelques semaines, j’ai eu la chance de participer à l’enregistrement d’un épisode de podcast des Ingénieux pédagogiques. Si vous n’avez jamais eu l’occasion de participer à un podcast, je vous le souhaite. C’est tellement une belle expérience. Vous pouvez écouter l’épisode ici si cela vous intéresse.
On enseigne pour le 25%.
Parfois, c’est ce qui se dit avant d’appuyer sur «Enregistrer» qui nous fait réfléchir. Et c’est ce qui m’amène à écrire aujourd’hui. Je discutais avec Alexandre Audet (@profaudet) et Martin Parent (@Monsieur_Parent) avant d’enregistrer l’épisode et Alex a dit quelque chose comme : « On n’enseigne pas pour le 75% des élèves qui vont bien. On enseigne pour le 25% qui n’apprend pas toujours à la bonne vitesse. » Wow. Quelle belle observation! Lorsqu’on ose se remettre en question, lorsqu’on ose se pencher sur le 25%, on fait prendre de l’expansion à sa pédagogie. C’est avec le 25% qu’on développe de nouvelles stratégies. Toutes nos futures listes de classe sont alors mieux servies.
Le 1er bulletin, c’est NOTRE bulletin!
Le 1er bulletin de l’année arrive à grands pas. Cette activité de communication formelle sera une belle occasion de faire des constats (pas obligé d’attendre au bulletin pour faire des constats mais bon). Un collègue m’a déjà dit que le bulletin de nos élèves, c’est en fait notre bulletin. C’est le fruit de notre effet enseignant. Si 75% des élèves progressent bien présentement, pourquoi un pédagogue remettrait-il en question sa pratique? Parce qu’on enseigne pour le 25% aussi. On enseigne pour la réussite de 100% des élèves, comme je le mentionnais il y a quelques années dans ce billet : « J’ai pas juste lui dans ma classe! ». Si 25% des élèves ne progressent pas bien présentement, alors… (insérer sa culture d’école ici). Certains diront qu’on ne contrôle pas tout dans l’énigme qu’est l’apprentissage des élèves. L’élève a une grande part de responsabilité. La famille aussi. Or ce n’est pas nécessairement à cause de nous si certains élèves n’apprennent pas au rythme souhaité. Mais ça peut être grâce à nous si ça s’améliore. Le leader pense comme ça. Ce n’est pas à cause de moi, mais ça peut être grâce à moi si ça s’améliore. Alors, qu’est-ce qui se trouve à l’intérieur de notre zone de contrôle?
Une rampe pédagogique?
J’ai offert une formation en leadership et en coaching au Nouveau-Brunswick à la fin du mois de septembre. Nous étions sur le point de monter à bord de l’avion lorsqu’on nous a informés qu’il y aurait un délai de 10 minutes. Une passagère à mobilité réduite avait besoin qu’on installe une rampe d’accès (voir photo) afin de lui permettre de monter à bord de l’avion. Aucun problème. C’est la moindre des choses. Et là j’ai tout de suite fait des liens avec nos écoles. Si bien que j’ai pris une photo. Que voulez-vous, je suis fait comme ça. Tous les passagers ont emprunté la rampe pour monter à bord de l’avion. Sur les 38 passagers, une seule personne avait réellement besoin de la rampe. La rampe représente la planification d’un cours qui donne accès à l’apprentissage ou qui est adapté pour tenir compte du 25%. Ce n’est pas parce que tous les élèves y ont accès que ce n’est plus une adaptation. Pensez-y. L’idée, ce n’est pas de faire 32 planifications différentes mais de planifier de façon inclusive.
Trois + 1 questions à se poser
L’éducation, ce n’est pas un système de triage. Il nous invite à agir sur l’apprentissage de tous les élèves. Et naturellement, notre style, notre approche habituelle ne répond pas toujours aux besoins des enfants qui nous sont confiés. Je ne connais pas le pourcentage d’élèves qui progressent moins bien dans votre classe présentement mais vous, vous le savez. Je vous invite à célébrer le fait que plusieurs élèves progressent bien présentement grâce à vos stratégies actuelles. On parle de reconnaissance en éducation. Il faut reconnaître que vous avez un effet enseignant. Tout passe par là. Or le point de départ en développement professionnel, le point de départ pour améliorer son effet enseignant, c’est d’accepter de SE questionner à l’occasion. Pas parce qu’on n’est pas assez bon mais parce qu’on peut être encore meilleur comme dirait Dylan Wiliam (@dylanwiliam). Voici donc trois questions à se poser (pourquoi attendre après le bulletin?) pour faire prendre de l’expansion à sa pratique :
- Si seulement les élèves qui réussissent moins bien revenaient dans ma classe, qu’est-ce qui changerait dans le design de mes leçons?
- Si on permettait aussi aux élèves qui réussissent bien de revenir dans ma classe, profiteraient-ils aussi du nouveau design de mes leçons?
- Qu’est-ce qui m’empêche de commencer à créer une rampe pédagogique pour mes élèves?
On enseigne pour le 25%, les amis.
Une question pour l’équipe-école : Si on continue à faire ce que qu’on fait présentement, quelles sont les chances de réussite du __% d’élèves qui réussissent moins bien jusqu’à présent?
1, 2, 3… GO!
Merci de vos commentaires 🙂
Un leader travaille pour son équipe
Je suis tombé sur cette citation d’Alexander Den Heijer cette semaine. « Les grands leaders croient qu’ils travaillent pour leur équipe, les leaders moyens croient que leur équipe travaille pour eux. » Ça m’a fait penser au leadership au service de l’autre.
Tout passe par l’autre
L’autre, c’est l’élève, c’est le collègue, le membre du personnel. Il est important, cet autre. Tout passe par lui en éducation. Pensez-y. Dans un contexte d’amélioration continue, tous les objectifs ambitieux liés à la réussite scolaire de nos élèves ne peuvent être atteints que par les élèves. D’où l’importance, pour l’enseignant, de travailler pour l’élève, et la direction, pour l’enseignant. En effet, aucun enseignant ne peut réussir à la place de ses élèves de même qu’aucune direction ne peut enseigner pour son personnel. Or le défi, certains pourraient même parler de dichotomie, c’est que tous deux sont des superviseurs. L’enseignant supervise les élèves. La direction, les enseignants.
Changement de paradigme, changement de posture
Si on pense comme le patron traditionnel, on croit que les gens travaillent pour nous. Le changement de paradigme en éducation nous invite à un changement de posture. Le leader croit qu’il travaille pour son équipe. C’est ce qui est requis dans l’école d’aujourd’hui. Des leaders. Tout le monde est un leader. Lorsqu’on observe ce qui se passe en éducation présentement, comment travaillons-nous réellement pour l’autre au quotidien? C’est la seule façon d’atteindre nos objectifs ambitieux. Voici quatre façons concrètes de travailler pour l’autre, dans l’école d’aujourd’hui :
1. Définir les rôles et les responsabilités :
Plus la cible est claire et qu’elle ne bouge pas, plus on peut l’atteindre. C’est un principe fondamental en évaluation au service de l’apprentissage. Le même principe s’applique en leadership. On présuppose de bonnes intentions de la part l’autre et on est le plus explicite possible au sujet de l’importance de son rôle, de ses responsabilités et de nos attentes en tant que leader. Être clair, c’est gentil. Les gens veulent réussir. Pour réussir, il faut savoir ce qu’on a à faire. Avoir des attentes élevées envers les élèves ou son personnel est une excellente façon de communiquer qu’on a confiance en eux. Et c’est extrêmement stimulant pour les autres. Un leader qui a des attentes claires et élevées, ça veut dire qu’on va quelque part. Après tout, qui a le goût de jouer pour un coach qui ne veut pas gagner la coupe Stanley? En éducation, la coupe Stanley, c’est la réussite de tous les élèves. Pour y arriver, l’autre doit jouer son rôle et s’acquitter de ses responsabilités.
Quel est le rôle de l’autre? Quelles sont ses responsabilités? Quelles sont vos attentes?
2. Donner de l’autonomie :
L’autre n’est pas seulement quelqu’un qui exécute le plan. C’est un être qui pense et qui a des choses à offrir. Pour atteindre nos objectifs ambitieux, il importe de mettre en valeur le caractère unique de chaque individu. Le leader fait donc preuve de souplesse et trouve le moyen de donner une marge de manoeuvre à l’autre. On pourrait même parler de différenciation au niveau du leadership. Si la cible est claire et qu’elle a un sens, l’autre a besoin de pouvoir essayer d’atteindre la cible à sa façon. La marge de manoeuvre est liée au «comment». Le fait d’avoir la latitude d’essayer des choses à sa façon permet de développer une relation de confiance avec l’autre et crée graduellement l’ouverture d’esprit requise à l’amélioration continue des individus. Concrètement, une fois que l’autre a eu la chance d’essayer des choses à sa façon, il constate l’efficacité ou non de sa méthode et s’ouvre plus facilement à des méthodes qui peuvent amener sa pratique, sa compétence ou son apprentissage à un autre niveau. C’est le marathon du développement graduel de la compétence de l’autre.
Quelle marge de manoeuvre donnez-vous à l’autre? Comment lui communiquez-vous cette marge de manoeuvre? Quels indicateurs ou critères vous aident à constater les progrès de l’autre?
3. Superviser Soutenir l’autre :
Supervision = soutien. Lorsqu’on aime les gens avec qui on travaille au quotidien, on veut les voir réussir. Par amour, on fait des suivis avec eux. On les écoute. On leur demande comment ils vont. On les encourage. On s’assure qu’ils ont les outils et les stratégies pour s’acquitter de leurs responsabilités. La supervision a souvent mauvaise presse. Possiblement à cause du pouvoir qui vient avec. Mais quand on y pense, le vrai pouvoir de supervision, c’est le pouvoir d’influencer positivement la vie des élèves, pour l’enseignant, et du personnel, pour la direction. Si on veut que l’autre s’acquitte de ses responsabilités, il faut accueillir les nôtres. Ça inclut la supervision, qui nous permet, en toute cohérence, d’entretenir la relation avec l’autre, une relation d’aide dont le but est l’amélioration continue. Cohérence.
Comment comptez-vous soutenir l’autre cette année? Comment allez-vous le lui communiquer?
4. Modeler ce qui est attendu :
Dans The Advantage, Patrick Lencioni affirme l’importance de surcommuniquer la clarté (voir vidéo). Or les gens reproduisent habituellement ce qu’ils voient de leurs leaders. C’est un principe connu en leadership. Une excellente façon de travailler pour l’autre est de modeler intentionnellement les comportements qui sont attendus de l’autre. Après tout, on enseigne ce qu’on sait mais on reproduit qui on est. C’est donc dire que le leader est conscient qu’il ne peut pas demander à l’autre ce qu’il n’est pas prêt à modeler lui-même, dans ce qui s’applique à son poste. C’est difficile de demander à l’élève d’être un apprenant si on n’est pas ouvert à de nouveaux apprentissages soi-même. Difficile de demander à l’élève d’accepter l’erreur si on ne se donne pas le droit à l’erreur. Difficile de demander à son personnel d’avoir une attitude positive, si on n’a pas soi-même une attitude positive. Vous me suivez?
Qu’est-ce que l’autre a besoin de vous voir faire présentement? Qu’avez-vous envie de modeler?
Un mentor m’a déjà dit que plus on est responsable d’un grand nombre de personnes, moins on a le privilège de penser à soi-même.
Dans l’école d’aujourd’hui, on vise la coupe Stanley.
Un leader travaille pour son équipe.
Merci de vos commentaires
Trois clés pour la rentrée
La nouvelle année scolaire vient habituellement avec l’espoir d’un nouveau départ, pour nous et pour nos élèves. Or l’année scolaire qui vient mettra en lumière les impacts des dernières années sur la «progression» des élèves mais aussi sur le niveau d’énergie et le moral des équipes-écoles, entre autres. Il importe donc de faire des choix intentionnels et conscients en tant que leaders afin de créer un climat où tout est possible pour tous les apprenants.
Voici donc trois clés pour la rentrée :
1. Présumer de bonnes intentions :
À la rentrée cette année, nous allons tous faire des constats qui vont avoir des incidences sur ce que nous faisons habituellement. Des incidences sur la perception que nous avons de notre charge de travail. Peu importe les résultats de nos évaluations diagnostiques, peu importe le niveau d’énergie de nos collègues, peu importe la lenteur avec laquelle les élèves réapprennent à vivre ensemble, peu importe le non-verbal de nos superviseurs (qui portent la responsabilité des objectifs systémiques), les gens autour de nous à la rentrée, et bien ils sont là. Leurs vacances à eux aussi sont terminées. En choisissant de présumer de bonnes intentions dès la rentrée, on se place dans une position pour voir l’autre d’un bon oeil. Le regard. C’est déjà un bon début. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui ne voulait pas réussir et bien faire son travail. Je n’ai jamais rencontré un élève qui n’avait pas le goût d’être bon et que son prof l’aime. N’est-ce pas que c’est fantastique. Peu importe la position actuelle des gens, tant dans leur rendement que dans leur niveau d’énergie ou leur moral, ils ont de bonnes intentions. Accueillons ça. Accueillons les gens dans tout ce qu’ils sont. Tellement de gens seront axés sur ce qu’il manque, sur ce qu’il reste à faire, sur les écarts perçus… Le regard.
Qu’allons-nous voir à la rentrée cette année?
2. Être à l’écoute :
L’écoute. C’est le plus beau cadeau qu’on puisse faire à quelqu’un. Combien de fois dans une journée vous sentez-vous écouté? Hmmm… À notre décharge, il sera tentant d’être centré sur soi cette année. La charge de travail va sembler colossale. C’est parce qu’elle l’est. Mais on ne peut pas aller plus vite que nos élèves. N’oublions pas que tout ce que nous voulons accomplir dans nos écoles ne se fait pas sans nos élèves, ni sans nos collègues. L’éducation est un sport d’équipe. Être à l’écoute de l’autre nous permettra d’apprécier l’autre et d’entendre ce qui n’est pas dit. Si nous écoutons l’autre, ses mots, son non-verbal, nous entendrons le non-dit. Le désir de plaire, d’être comme les autres, de réussir. Nous entendrons ses croyances et ses convictions, ses peurs, son besoin de certitude. Nous entendrons toutes sortes de choses et nous constaterons, peut-être, que l’autre est comme nous au fond. L’écoute. À partir de l’écoute, tout est possible. Tout ce qu’il faut pour écouter, c’est d’être présent et de ne pas juger. Parfois, nous n’avons pas besoin de parler pour juger. Vous me suivez? Il faut surveiller son non-verbal lorsqu’on écoute. Et son cellulaire. Pas de cellulaire dans les mains. Sinon l’écoute active devient de l’écoute hâtive. Ça n’a pas le même effet. L’écoute.
Qu’allons-nous entendre à la rentrée cette année?
3. Donner de l’espoir :
Une des premières responsabilités d’un leader, c’est de définir la réalité. Peindre un portrait objectif de la réalité. Pas pire, pas rose, juste. Ensuite, la tâche du leader est d’anticiper positivement la suite des choses. De croire que les choses peuvent bien aller malgré tout. D’ailleurs, certaines des plus grandes entreprises sont nées pendant des périodes économiques difficiles. La preuve qu’avec les défis viennent des opportunités. Et si l’année scolaire 2022-2023 était notre meilleure jusqu’à maintenant? Les gens dans notre milieu ont besoin de faiseurs de possible autour d’eux. Et tout part de l’espoir. C’est difficile d’avoir des objectifs ambitieux lorsqu’il n’y a pas d’espoir. Chose certaine, pour donner de l’espoir aux gens, il faut les encourager et les aider à voir à quel point ils sont bons et capables et que nous avons confiance en eux.
Quels mots pourrions-nous choisir pour semer de l’espoir autour de nous à la rentrée cette année?
Je vous souhaite une bonne rentrée, votre meilleure jusqu’à maintenant!
Merci de vos commentaires 🙂
Martin St-Louis : Mindset – Concept – Environnement – Leadership
Si vous suivez le hockey, vous savez que Martin St-Louis a récemment été nommé entraîneur-chef par intérim pour le CH. J’ai pris le temps d’écouter sa première conférence de presse diffusée le 10 février dernier. Je ne m’y attendais pas mais en écoutant son discours, j’ai fait plein de liens avec le monde de l’éducation. Pour m’aider à y voir clair, je prends le temps de les mettre par écrit. Voici donc 4 grands thèmes à retenir de la première conférence de presse de Martin St-Louis.
Mindset
Les journalistes avaient plusieurs questions à poser à Martin St-Louis, qui passait d’entraîneur de niveau Pee-Wee à la Ligue nationale de hockey. Dès le début, j’ai constaté les qualités de sa posture en tant qu’apprenant, comme vous pouvez le voir dans les répliques suivantes :
- Au sujet de son inexpérience : « Je n’ai pas toujours les réponses (…) Mais les réponses sont partout autour de nous. »
- Au sujet de sa façon d’approcher le hockey : « J’aime étudier la game. »
- Au sujet de ce qui l’attend comme tâche : « Ce sera un processus. »
- Au sujet de comment il compte y arriver : « Ce sera un grand travail de collaboration. »
- Au sujet de son statut « par intérim » : « Je n’ai pas besoin de promesses. Donne-moi une opportunité et je vais tout donner. Je vais te montrer. »
- Au sujet du défi qui attend ses joueurs et lui : « Je suis un passionné. J’ai toujours aimé les défis. Si tu veux des choses faciles, c’est difficile de grandir comme humain. »
Quand on pense à tout ce qui nous arrive en éducation grâce ou à cause de la pandémie, je relis les 5 répliques et je me dis que le mindset de Martin St-Louis est requis présentement et sera requis dans l’après-pandémie. Il faudra trouver des nouvelles réponses en étudiant la game de l’apprentissage dans une société en évolution et accueillir des changements dans nos pratiques. Ça nécessitera assurément un grand travail de collaboration. Et chanceux que nous sommes, nous auront l’opportunité de créer l’école d’aujourd’hui. Ce sera tout un défi qui nous fera grandir. Passion, les amis. Passion.
Système vs Concept
Les journalistes ont questionné Martin au sujet de sa philosophie. Il dit qu’il y a plusieurs façons de jouer la game et qu’il préfère jouer un concept d’équipe ou de jeu plutôt qu’un système de jeu. Voir le visuel.
- Au sujet du système : « Les meilleurs joueurs lisent bien le jeu. Parfois dans un système, un très bon joueur devient ordinaire parce qu’il n’a pas de liberté. »
- Au sujet du concept, de la lecture du jeu et de la possibilité que les joueurs fassent des erreurs : « Je préfère que mes joueurs fassent de mauvaises lectures que de ne pas faire de lecture du tout. »
- Au sujet des statistiques avancées : « Les statistiques ne disent pas tout. Il serait intéressant d’avoir des statistiques avancées qui nous aident à avancer dans notre concept de jeu. Mais je dois aussi me fier à mon oeil et à mon “feel”. »
Dans l’école d’aujourd’hui, il est possible et souhaitable de personnaliser l’éducation en tenant compte de l’unicité de nos élèves. Pour y arriver, je me dis que nous devons faire des choses systématiquement pour favoriser la réussite de tous les élèves. Or nous devons aussi accueillir le concept, où les acteurs ont la liberté d’écouter leur instinct et de prendre les meilleures décisions pour les élèves. Après tout, un professionnel de l’éducation n’est pas simplement un technicien qui suit un manuel et un référentiel pédagogique. Les meilleurs enseignants écoutent leur instinct et ils prennent de multiples décisions à tous les instants. Et si le système échoue, malheureusement (combien d’élèves ne se développent pas avec les pratiques actuelles), il faut également accueillir la nature imparfaite du concept et de l’humain, qui fera parfois une mauvais lecture. Le système est-il prêt à accepter des erreurs qui viennent d’ailleurs que de lui-même? Avec un peu d’humilité, je pense qu’il peut y arriver. Le système, c’est du monde après tout. Ce qui nous amène aux données. J’aime bien la philosophie (lire concept) de notre collègue anglophone George Couros à ce sujet : « People driven, data informed ». Comme un bulletin scolaire ne dit pas tout au sujet d’un enfant, les données actuelles que nous sommes capables de générer ne disent pas tout au sujet du potentiel humain qui se trouve dans nos écoles. Les personnes et leur bien-être d’abord.
Environnement
- Au sujet de l’effort des joueurs : « Je veux que les gars travaillent fort physiquement mais je veux qu’ils travaillent fort mentalement aussi. Il y a différentes façons de mesurer l’effort. »
- Au sujet de la culture : « On a des attentes élevées pour tout le monde. C’est à l’entraîneur de garder les standards. »
- Au sujet du niveau de tension que vivent les joueurs : « Les joueurs ont besoin de s’amuser. »
- Au sujet des journées qui sont plus difficiles : « Don’t carry the negative to the next day. »
L’environnement. N’est-ce pas la chose la plus importante en éducation? Créer un environnement où tout est possible pour tous les apprenants? Un environnement où on s’amuse mais où l’effort est soutenu. Créer l’environnement, être gardien de la rigueur et laisser le négatif derrière soi. Il me semble qu’on peut aller loin avec ça. Après une mauvaise journée ou une mauvaise passe comme on dit, combien d’élèves transportent le négatif avec eux jour après jour? Pas parce qu’ils le veulent mais parce que les adultes s’en souviennent. Environnement, les amis.
Leadership
- Au sujet des gens qui doutent de lui : « Il y a toujours des gens qui doutent de nous ou qui nous critiquent. J’ai toujours vu ça comme du bruit (noise). Moi je bloque (ignore) le bruit. »
- Au sujet de la performance actuelle de l’équipe : « Je ne m’arrête pas à où est l’équipe présentement. On va se développer. Les joueurs ont besoin de s’amuser. »
- Au sujet de l’écart entre le niveau Pee-Wee et la Ligue nationale de hockey : « Le hockey, c’est le hockey. Je gère une équipe mais en réalité je gère des individus qui ont des personnalités différentes et des attentes. »
- Au sujet de ses priorités en arrivant : « Je dois apprendre à connaître mes joueurs. Tout le monde est différent et on ne coach pas tous les joueurs de la même façon. »
- Au sujet des idées qu’il a pour l’équipe : « C’est la job de l’entraîneur de convaincre ses joueurs de jouer d’une telle façon. S’ils n’y croient pas, ils ne le feront pas bien. »
- Au sujet de son équipe d’entraîneurs : « Je ne suis pas un dictateur. J’ai des idées mais je veux apprendre des autres. »
- Au sujet du leadership dans la chambre : « Il y a différentes façons d’être un leader. Je veux que chaque joueur soit un leader, à sa manière. Le leadership n’est pas nécessairement vocal. »
Ce qui nous amène au leadership. Lorsqu’on tente de faire des choses qui n’ont pas encore été faites ou qu’on sort des sentiers battus, même juste un peu, certains vont douter de nous ou nous critiquer. Je sais de quoi je parle 😉 C’est juste du bruit. Notre performance actuelle en tant que système/concept n’est pas le reflet de notre potentiel. On va continuer à se développer. Mais ça va demander un leadership différencié, de l’écoute, de la cohérence, du sens et une place pour l’unicité de tous les acteurs en éducation. Et ça va faire du bruit, les amis. Dans l’école d’aujourd’hui, il doit y avoir une place pour l’instinct et la lecture du jeu (apprentissage) afin que tout le monde puisse être un leader, à sa façon.
Enfin, les journalistes ont aussi questionné Kent Hughes au sujet de sa décision de faire appel à un entraîneur inexpérimenté. M. Hughes a répondu en affirmant que Martin possède les qualités sur lesquelles il veut bâtir son équipe et que ces qualités sont plus importantes que des années d’expérience. Comme quoi qui nous sommes est plus important que ce que nous savons.
Avec des qualités semblables à celles de Martin St-Louis, peu importe notre expérience, nous pouvons continuer à bâtir l’école d’aujourd’hui. Ensemble, pour nos élèves.
Merci de vos commentaires 🙂
La prise de risque doit faire partie de l’après-pandémie.
J’ai récemment eu la chance de participer à la création d’un épisode de podcast avec ma fille Juliette, qui a 17 ans. Elle participe à un projet communautaire où des jeunes comme elle sont amenés à créer des épisodes de podcast avec des membres de la communauté. Elle m’a demandé de venir parler de persévérance et de raconter comment j’ai pris la décision de fonder escouadeÉDU. L’épisode devrait être disponible en décembre. Quelle belle expérience avec ma fille. Suite à cet entretien, j’ai poursuivi ma réflexion et j’ai identifié 5 types de risques à considérer dans l’après-pandémie. Je vous les partage par écrit ici. J’ai aussi créé cet épisode de podcast.
La prise de risque
Très jeune j’ai entendu l’expression «La peur de perdre est toujours plus grande que le désir de gagner.». Je ne sais pas si je suis d’accord avec ça. Mais cette phrase expose les deux ingrédients qui accompagnent la prise de risque. La peur et le désir. L’incertitude et la possibilité d’une amélioration ou d’une expérience positive. Je suis tombé sur cette citation de Taylor Swift : «Fearless is not the absence of fear. Fearless is living inspite of those things that scare you.». On peut facilement être impressionné par les risques que certaines personnes prennent autour de soi. On peut même penser que ces personnes semblent n’avoir peur de rien. Mais être «fearless» ou intrépide, ce n’est pas l’absence de peur, mais l’action, malgré la peur.
Risquer le regret
Il y a cinq ans, je me suis retrouvé devant plusieurs opportunités d’aider des gens en leadership et en coaching. Or la majorité de ces opportunités sortaient du cadre de mon emploi. J’en étais à ma 15e année en éducation. Comme dirait ma grand-mère, j’étais bien placé. Alors pourquoi quitter mon poste et prendre le risque de devenir consultant? Comme toute décision, ma décision a pris une fraction de seconde. Mais plusieurs mois se sont écoulés avant d’en arriver à ce moment ultime. J’ai fait ma liste de «pour» et «contre». Et c’est devenu évident pour moi que pour dire oui à ces opportunités, je devais dire non à autre chose, comme ma date de retraite, comme la garantie d’un salaire. Choisir, c’est renoncer. Mais j’y croyais tellement. J’ai lu beaucoup. J’ai écouté Jim Rohn, qui affirme que tout est risqué puisqu’on ne s’en sort pas vivant. C’est quand même vrai. Ça me rappelle The Dash. C’est ce qui se passe entre notre date de naissance et notre date de décès qui compte. J’ai donc eu la conversation avec moi-même. Marius 65 ans a eu la discussion avec Marius 42 ans et je me suis posé la question : « Es-tu prêt à vivre avec l’idée de ne pas aller voir s’il y a un besoin en leadership en éducation francophone? Es-tu prêt à vivre avec l’idée de ne pas savoir qui tu pourrais devenir si tu empruntais cette trajectoire?». Comme on peut le constater dans cette vidéo, on regrette surtout les choses qu’on ne fait pas. En éducation, qu’est-ce qu’on ne veut pas regretter dans 10 ans? Quel risque d’inaction nous guette en ce moment? L’ADN institutionnel est fort. Mais pas plus que le leadership. Que pourrions-nous devenir?
Risquer l’erreur
Lorsqu’on prend un risque, l’erreur nous guette. Mais c’est quand même assez difficile d’espérer s’améliorer ou améliorer l’éducation si on n’est pas prêt à tolérer l’erreur. Parlez à n’importe quel expert dans un domaine donné. C’est très difficile de développer une expertise sans faire d’erreurs ou sans être prêt à vivre avec l’imperfection. Parfois on réussit, parfois on apprend. Avec la pandémie qui sévit présentement, il va sans dire qu’on peut s’attendre à ce qu’elle laisse des traces dans l’après-pandémie. C’est et ce sera un contexte sans précédent pour notre société mais aussi en éducation. Serons-nous prêts à risquer l’erreur pour améliorer un système qui était déjà en besoin d’amélioration avant la pandémie? Pour obtenir des résultats qu’il n’a jamais obtenus, le système devra devenir quelque chose qu’il n’a jamais été. Dans mon vécu, la peur de l’erreur nous prive de l’amélioration beaucoup plus que nos échecs.
Choisir, c’est renoncer. – André Gide
Risquer le jugement de l’autre
La prise de risque entraîne parfois le jugement de l’autre. C’est la nature humaine. Nos actions rendent parfois inconfortables certaines personnes autour de nous. Mais je me rends compte que ça n’a pas rapport avec nous. C’est certain qu’on ne veut pas déplaire aux autres. Mais on ne peut pas vivre pour essayer de plaire aux autres non plus. En fait, c’est impossible de plaire à tout le monde. Lorsqu’on essaie de plaire, on finit pas ne pas être soi-même et on prive son entourage de tout ce qu’on pourrait être. Et on peut aussi échouer. Si j’ai à échouer ou à prendre des détours, j’aime autant le faire en étant pleinement moi-même. Tout le monde est unique. Tout le monde peut contribuer à l’amélioration de l’éducation. On l’a vécu pendant la pandémie, n’est-ce pas? Le 13 mars 2020, il n’y en avait pas d’experts en éducation en contexte de pandémie. Tout le monde s’est mobilisé. Des approches personnalisées et adaptées aux différents milieux ont été mises de l’avant. Quel travail remarquable! Dans un contexte aussi rempli d’incertitude, quel autre choix avions-nous? Dans l’après-pandémie, certains voudront des certitudes, des garanties. Or dans un contexte sans précédent et d’une complexité grandissante, nous devrons continuer à accueillir l’incertitude et oser de nouvelles approches. Ce ne sera certainement pas l’affaire d’une seule personne, d’une seule recherche, d’une seule approche, d’une seule école de pensée. The proof is in the pudding. Le pudding d’aujourd’hui! Serons-nous prêts à risquer le jugement de l’autre?
Si j’ai à échouer ou à prendre des détours, j’aime autant le faire en étant pleinement moi-même. – @bourmu
Risquer la relation
Les relations positives sont au coeur d’un système d’éducation de qualité. On pourrait même dire que la qualité de nos relations détermine la qualité de l’éducation. Mais ce n’est pas tout. En éducation, le but des relations est l’apprentissage ou l’amélioration continue. Mathieu Leroux, d’escouade Multimédia, avec qui j’ai le plaisir de collaborer, a travaillé chez Apple plus tôt dans sa carrière et il me racontait l’importance du «Fearless feedback» chez Apple. Tous les employés sont invités à se donner entre eux de la rétroaction constructive pour s’assurer que tous adoptent les comportements qui sont alignés avec les valeurs organisationnelles. Wow! Imaginez si ça faisait partie de la culture en éducation. Se donner de la rétroaction pour s’aider à devenir meilleur. C’est comique. Avec des élèves, on appelle ça de la rétroaction. Entre adultes, ça devient une conversation courageuse. Mais c’est la même chose. Le chemin le plus court pour passer d’où nous sommes à où nous voulons être, c’est la vérité entourant notre réel impact sur les apprenants. Même si on le fait par amour pour l’autre, on ne peut pas contrôler la réaction de l’autre lorsqu’on a une conversation honnête avec lui. J’aime croire que tout le monde a de bonnes intentions. Or il faut parfois choisir l’inconfort de la conversation courageuse pour progresser, plutôt que le confort du silence et du statu quo. Lorsqu’on le fait, on risque de perdre la relation, ne serait-ce que temporairement. Dans l’après-pandémie, nous voudrons assurément mettre l’accent sur le bien-être et la bienveillance. Je nous propose d’y ajouter la vérité.
Il faut parfois choisir l’inconfort de la conversation courageuse pour progresser, plutôt que le confort du silence et du statu quo. – @bourmu
Risquer le statu quo
Quand j’étais plus jeune, Wayne Gretzky était une légende vivante pour les partisans de hockey. Je me souviens d’une entrevue où on lui avait demandé comment il faisait pour être aussi bon. À le voir jouer, on avait l’impression que la rondelle le suivait. Il avait dit quelque chose comme : «Je ne vais pas où la rondelle se trouve, j’anticipe où la rondelle sera, et je vais là.». La rondelle s’en va où en éducation? On parle d’innovation depuis des années. Et il est généralement question d’innover au niveau des méthodes d’enseignement ou des approches. Lorsqu’on pense à l’état des lieux en éducation et à l’évolution de la société, je me dis qu’il est peut-être temps d’innover mais au niveau de la finalité et du design de l’éducation. Voir au-delà des méthodes de transmission de connaissances et se demander des questions comme :
- Quelle pourrait être la finalité de l’éducation?
- Comment pourrait-on personnaliser l’apprentissage et la réussite?
- Quels indicateurs de réussite pourraient le mieux servir les apprenants et les acteurs dans le système?
Remettre en question des choses qu’on ne remet pas en question. Comme disait Sir Ken Robinson bien avant la pandémie : «The fact is that given the challenges we face, education doesn’t need to be reformed — it needs to be transformed. The key to this transformation is not to standardize education, but to personalize it, to build achievement on discovering the individual talents of each child, to put students in an environment where they want to learn and where they can naturally discover their true passions.» Ses propos sont d’autant plus pertinents aujourd’hui. La pandémie a mis en lumière des aspects de l’éducation qui ont besoin d’être repensés. Comme disait Platon : «On peut aisément pardonner à l’enfant qui a peur de l’obscurité; la vraie tragédie de la vie, c’est lorsque les hommes ont peur de la lumière.» Le plus grand risque qui nous guette à mon avis, c’est le risque du statu quo.
On peut aisément pardonner à l’enfant qui a peur de l’obscurité; la vraie tragédie de la vie, c’est lorsque les hommes ont peur de la lumière. – Platon
Transition vers l’après-pandémie
Dans cette transition qui nous amène graduellement dans l’après-pandémie, il y aura ce grand désir d’un retour à une certaine normalité, d’un retour à ce qu’on a connu. Il faut se l’avouer. On a tous besoin d’un break. Tsé. Mais si on prend un peu de recul, je me dis qu’on ne peut pas retourner à ce que nous étions avant la pandémie en ajoutant à ça tous les impacts de la pandémie, dont l’ampleur nous échappe présentement. Il faut continuer à se questionner. J’ai vu passer cette citation dans les médias sociaux récemment : «The worst decision is no decision at all.» Je nous souhaite de choisir de continuer à prendre des risques pour améliorer l’éducation. Je pense que la prise de risque réfléchie – pas téméraire ou frivole – est nécessaire pour transformer l’éducation. Et pour remettre en question le statu quo, il faudra être prêt à parfois risquer l’erreur, le jugement de l’autre ou la relation. Assurons-nous de tout faire ce que nous pouvons faire pendant que nous sommes là.
Personnellement, parmi les risques que je vous ai partagés aujourd’hui, c’est le risque du regret qui m’interpelle le plus et qui me donne le goût de me dépasser. Je ne sais pas pourquoi. #yolo
Je nous relance donc la question, à nous, professionnels de l’éducation : «Qu’est-ce que nous ne voulons pas regretter dans 10 ans?».
Merci de vos commentaires
Comment vous servent vos réglages par défaut?
C’est le début du mois d’octobre. Déjà. C’est un bon moment pour mettre à jour nos stratégies. Il y a toujours des choses à améliorer et des élèves qui apprennent différemment. Or sommes-nous conscients des stratégies que nous déployons naturellement au quotidien depuis le début de la rentrée? Parce qu’elles façonnent la vie scolaire et l’expérience d’apprentissage de toutes les personnes qui nous sont confiées. Et nos stratégies viennent bien souvent de nos réglages par défaut. Un réglage par défaut, c’est quelque chose qu’on fait sans avoir à y penser, c’est ce qui vient naturellement de nous. C’est souvent inconscient mais ça vaut la peine d’amener tout ça au niveau de la conscience en ce début du mois d’octobre. Je vous partage aujourd’hui 3 réglages par défaut qui servent ou non notre mission éducative. Ils valent la peine d’être inspectés.
La tâche ou la personne?
Vous êtes en train de rédiger un courriel et votre collègue, votre enfant, votre conjoint.e (choisissez le scénario) se présente dans votre bureau pour vous parler… Et votre réglage par défaut prend le dessus. Si vous êtes axé sur la tâche, vous continuez à écrire votre courriel. Vous écoutez (entendez) d’une oreille distraite la personne qui vous parle et lui donnez même possiblement des indices non-verbaux pour lui laisser savoir que vous avez des choses à faire et qu’il ou elle peut vous laisser tranquille. Si vous êtes axé sur la personne, vous arrêtez d’écrire et êtes pleinement disponible et à l’écoute de la personne qui vient vous parler. Vous vous reconnaissez? Outch! Ça, c’est mon défi de tous les jours. Je suis sans contredit une personne axée sur la tâche. Si vous avez déjà assisté à une formation en personne avec escouadeÉDU, à quelques minutes du début, je suis dans ma bulle près de l’estrade. Mon collègue Stéphane, lui, est très axé sur la personne. Il discute avec les participants et oublie même parfois qu’il faut commencer la formation. Ce sont nos réglages par défaut. Le fait d’être axé sur la tâche m’est très utile au quotidien. Ça m’aide à être productif et à créer. Mais ça m’empêche parfois d’entrer en relation avec les gens qui m’entourent. Je travaille là-dessus continuellement. Combien de fois ai-je dû sortir de mon bureau pour aller «défaire» ce que j’avais fait plus tôt et pour reconnecter avec des collègues, des élèves, mes enfants, ma conjointe… Êtes-vous davantage axé sur la tâche ou sur la personne?
Dans mon expérience, la sanction et le jugement nous éloignent de notre mission éducative et sont parfois le fruit de notre propre insécurité. – @bourmu
La sanction ou la relation?
En éducation, nous côtoyons toutes sortes de personnes. Nous n’apprécions pas toujours comment nos élèves se comportent. Retard, langage blasphématoire, code vestimentaire, impolitesse, travail incomplet, intimidation d’un autre élève, plagiat, cellulaire, désengagement général… Ce qui est fascinant, c’est que le comportement des élèves peut varier en fonction de l’adulte qui est devant eux. À la rentrée scolaire, nous souhaitons donner le ton. Les comportements d’élèves qu’on aimerait ne pas avoir à gérer dans notre école sont des occasions pour nous établir en tant que leader et pour entrer en relation avec les élèves. Particulièrement cette année. Les règlements sont importants pour garder tout le monde en sécurité et pour créer un climat propice à l’apprentissage. Or un élève qui oublie d’enlever sa casquette ne met personne en danger. Tel adulte s’empresse d’appliquer le code de vie à la lettre alors que tel autre adulte voit cette situation comme une occasion d’entrer en relation avec l’élève… et d’ensuite l’inviter à enlever sa casquette. La différence est subtile mais déterminante. Quel adulte va s’établir comme leader? Quel adulte va souffrir cette année? Dans ma carrière, j’ai entendu des collègues parler à des élèves comme s’ils étaient du bétail. C’est triste. C’est à se demander ce qu’ils aiment de leur travail. La même chose peut se produire entre collègues. Nos collègues font ou disent parfois des choses qui nous laissent perplexes. Et dans notre discours intérieur vient la sanction… ou le désir d’entrer en relation. Le jugement ou l’empathie. Dans les deux cas, élèves ou collègues, la différence entre la sanction (jugement) ou la relation (empathie), c’est de s’intéresser à l’autre et de comprendre l’histoire derrière le comportement. Dans mon expérience, la sanction et le jugement nous éloignent de notre mission éducative et sont parfois le fruit de notre propre insécurité. Quand vous réfléchissez à la qualité du milieu de vie que vous créez depuis la rentrée, quel est le réglage par défaut dans votre milieu? Êtes-vous davantage axé sur la sanction ou sur la relation?
La peur ou l’espoir?
Notre mission éducative nous amène à viser la réussite de tous élèves. Tous. Pour que les élèves réussissent, ils doivent apprendre. Pour que les élèves apprennent, nous devons entrer en relation avec eux et générer des émotions positives afin qu’ils s’engagent dans leur apprentissage. C’est connu. Mon vécu en éducation m’amène à affirmer que la qualité de nos relations détermine la qualité de l’éducation. Or dans cette quête de la réussite pour tous, tous les adultes n’ont pas la même facilité à entrer en relation avec les élèves. Et c’est parfois à cause de l’approche. Je m’explique. En début de carrière, des collègues me disaient qu’à la rentrée, il faut être rigoureux, sévère et exigeant. « La première semaine, il faut que tu fasses le ménage, Marius. Si tu leur fais peur un peu, les élèves qui n’ont pas d’affaire là vont changer de cours. » Je l’ai essayé. J’ai souffert. Mes élèves aussi. J’ai appris que ce n’était pas moi, ça. J’ai rencontré d’autres collègues qui me disaient quelque chose comme : « Marius, dès la rentrée, je veux apprendre à connaître tous mes élèves. À la fin de la première semaine, je veux qu’ils soient convaincus qu’ils ont fait le bon choix et qu’ils vont réussir dans ma classe. » C’est une approche différente, qui donne des résultats différents. Parfois, notre réglage par défaut nous amène à entretenir inutilement la peur dans notre salle de classe. La peur s’entretient bien subtilement parfois. La peur de perdre des points, la peur d’être puni, la peur de faire rire de nous, la peur du sarcasme de Monsieur Untel, la peur de déplaire, la peur d’être différent, la peur d’être laissé de côté… La peur nous prive de notre mission éducative beaucoup plus que nos échecs, selon moi. Lorsque la peur entre en salle de classe, l’apprentissage sort. Le bonheur aussi. Dans le contexte actuel et plus que jamais dans le monde (l’école) d’aujourd’hui, nos élèves ont besoin d’espoir. La vraie vie fait assez peur à elle seule. Quand vous réfléchissez à votre milieu depuis la rentrée, quel est le réglage par défaut? Êtes-vous davantage axé sur la peur ou sur l’espoir?
Lorsque la peur entre en salle de classe, l’apprentissage sort. Le bonheur aussi. – @bourmu
Je vous invite à considérer que vos réglages par défaut sont parfois très utiles et parfois moins. Ce n’est pas bien ou mal. L’idée, c’est d’en être conscient afin de présenter intentionnellement la meilleure version de soi-même aux personnes qui nous entourent. L’idée, c’est que nos réglages par défaut soient au service de notre mission éducative.
Alors, comment vous servent vos réglages par défaut présentement?
Merci de vos commentaires 🙂
Les droits de l’apprenant
Lors de la première session de coaching LI-VE, j’ai présenté les droits de l’apprenant aux participants. J’ai pensé que ça pourrait peut-être vous intéresser.
J’ai toujours vu la rentrée scolaire comme une opportunité de repartir à neuf. C’est la période de l’année scolaire où tout est à créer et où tout est (encore) possible. Espoir. On espère qu’on aura un beau groupe ou une belle équipe. On espère qu’on va aimer notre année. On espère que les apprenants qui nous sont confiés vont apprendre… C’est le défi ultime de l’éducation : qu’il y ait apprentissage. Je me demande ce que les apprenants espèrent, eux, à la rentrée… Depuis plusieurs années déjà, il est question de viser l’apprentissage en profondeur. Avec la pandémie, il est aussi question de bien-être, de bienveillance, d’équité et d’inclusion. L’inclusion. On veut inclure les personnes. Mais en éducation, à mon avis, l’inclusion ultime, c’est l’apprentissage pour tous. Je pense qu’il est raisonnable d’affirmer que dans toutes les classes, il y aura de l’enseignement cette année. C’est quand même assez simple (je ne dis pas facile) à faire. On enseigne des concepts, on assigne des tâches, on les corrige… Notre défi, c’est d’inclure l’apprentissage pour tous. Ça, ce n’est pas aussi simple. Or n’est-ce pas cela, le changement de paradigme en éducation? Passer de l’enseignement à l’apprentissage… Je pensais à des pistes pour y arriver dernièrement et je me disais que si nous étions vraiment sérieux à l’idée d’inclure l’apprentissage, tous les apprenants auraient le droit d’apprendre. Au Canada, par exemple, nous croyons que la liberté des citoyens est importante. Alors tous les citoyens ont des droits et des libertés. Présentement, tous les apprenants ont droit à l’enseignement dans nos écoles. Or combien n’ont pas suffisamment accès à l’apprentissage? Voici donc les droits de l’apprenant.
1. Droit qu’on croie en moi
Lors d’un évènement en Californie il y a quelques années, un homme d’une cinquantaine d’années, formateur de leadership en entreprise, me disait que son enseignante de 3e année avait changé sa vie. Il ne se voyait pas comme un bon élève. Il avait même des difficultés à l’école. Un jour, son enseignante lui a remis son travail. À sa grande surprise, il avait très bien réussi. Son enseignante lui avait jeté un regard qui voulait dire «Je te l’avais dit que tu étais capable!» La puissance du regard. L’homme en question me disait que c’est ce moment qui a tout fait basculer pour lui. Lorsque quelqu’un croit en nous, ça nous permet parfois d’exprimer un potentiel qu’on ignorait avoir. Si nous souhaitons vraiment inclure l’apprentissage, les apprenants ont droit d’avoir accès à un adulte qui croit en eux. Après tout, quelles sont les chances d’apprentissage d’une personne si son enseignant ne croit pas en elle? Le regard, les amis.
2. Droit qu’on mette en valeur ce que j’ai à offrir
Les apprenants qui nous sont confiés ne sont pas des vases vides à remplir. Ils ont des aspirations et nous avons le privilège de les aider à devenir qui ils sont. Pour mettre en valeur ce que les apprenants ont à offrir, il faut s’intéresser à eux. Après tout, on enseigne quelque chose, à quelqu’un. Et ce quelqu’un est ce qui compte en matière d’apprentissage. Un principe important en leadership, c’est que les gens soutiennent ce qu’ils créent. D’où l’importance d’impliquer les gens. Pour qu’il y ait apprentissage, il importe d’impliquer les apprenants. L’engagement. Une façon très efficace pour susciter l’engagement de l’apprenant, c’est de l’aider à voir le lien entre le contenu et son identité actuelle ou future. Est-ce qu’il y a une place pour ce que l’apprenant a à offrir dans ce qu’on lui propose?
3. Droit qu’on donne un sens à ce que j’apprends
Nous souhaitons développer la pensée critique des apprenants. C’est connu. Il faut donc s’attendre à ce qu’ils demandent pourquoi. Pourquoi telle tâche? Pourquoi page 27 ce matin? Ce n’est pas un défi à l’autorité, ça. N’est-ce pas notre responsabilité professionnelle d’être capables de donner un sens à ce qui se passe dans notre établissement? Lorsque l’apprenant sait clairement ce qu’il apprend, pourquoi il l’apprend et comment il va s’en servir, il s’engage naturellement dans son apprentissage. Pourquoi? Parce que ça a du sens.
4. Droit d’avoir des objectifs personnels
La transformation de l’éducation passe par la personnalisation de l’éducation. C’est mon humble avis. Lorsque nous faisons une place pour les objectifs personnels des apprenants, nous personnalisons l’éducation. Avoir des objectifs personnels signifie qu’on se compare à soi-même, pas aux autres. Avoir des objectifs personnels permet à l’apprenant d’accepter graduellement la responsabilité de son devenir. Ça, c’est big. Ça veut aussi dire que ça dépasse la matière ou le programme. J’ai souvent entendu l’expression «Faire éclater les murs de l’école». Pour s’ouvrir sur le monde. C’est fantastique. Mais je pense qu’on fait éclater les murs de l’école lorsqu’on fait une place pour autre chose que ce qui se trouve au programme. On fait éclater les murs de l’école lorsqu’on y fait une place pour l’apprenant en devenir et la vraie vie, avec tout ce que ça implique.
5. Droit d’être rendu là où je suis rendu
Cet hiver, je discutais avec notre très chère collaboratrice Stéphanie Dionne de l’École branchée. Elle me racontait que son fils avait un exposé oral ou une vidéo à produire (j’oublie la tâche spécifique) et qu’elle souhaitait l’aider. À un moment donné, son fils lui aurait dit quelque chose comme : « Maman, toi t’es rendue au niveau 400. Moi je suis au niveau 4. Laisse-moi donc vivre mon niveau 4! » Elle et moi avons trouvé ça fantastique. Cet exemple est tellement pertinent actuellement en éducation. Les chances sont que les apprenants qui nous sont confiés cette année soient, eux aussi, rendus là où ils sont rendus. Et ce n’est probablement pas aligné avec la progression des apprentissages habituelle. Mais ils sont là où ils sont. La question à se poser : « Auront-ils le droit d’être rendus là où ils sont rendus? ». La réponse viendra du regard, de la bouche et des actions des adultes autour d’eux.
6. Droit de vivre des émotions
Certains l’oublient parfois, mais les enfants sont… des enfants. Ils vivent des émotions, comme nous d’ailleurs. Or ont-ils le droit de vivre des émotions? Qu’est-ce qui se produit lorsqu’un apprenant vit des émotions fortes et qu’il manifeste des comportements qu’on pourrait qualifier d’inacceptables? Comment est-ce une occasion d’apprentissage pour tous lorsque cela se produit? Dans Permission to Feel, Mark Brackett affirme qu’on ne peut pas s’attendre à ce que les apprenants s’auto-régulent si on ne leur enseigne pas à reconnaître, à comprendre, à nommer, à exprimer et à gérer leurs émotions. Les émotions font partie de l’expérience humaine et donc, de l’expérience d’apprentissage.
7. Droit d’échouer temporairement
Les système d’éducation a à coeur la réussite de tous les apprenants, et c’est tant mieux. Or parfois, certains ont l’impression que les apprenants n’ont plus le droit d’échouer. Et ça mène à toutes sortes de pratiques. Si la réussite n’est pas permanente, l’échec ne l’est pas non plus. L’échec n’est pas final. À moins qu’on le traite comme ça. L’échec est en fait un excellent enseignant. Il nous permet de dire « pas encore ». Il nous permet de constater qu’il reste de l’apprentissage à faire. Certains diront : «Oui mais Marius, il y a des échéances et des exigences systémiques…». Oui. Il y en a. Ce sont les limites du jeu. On ne peut pas faire semblant qu’il n’y en a pas. Et à l’intérieur de ces limites, il y a des limites bien arbitraires qui sont ajoutées qui font en sorte que QUAND l’apprenant apprend est plus important que SI il apprend. Comme le quiz du vendredi. Tous les vendredis… Changement de paradigme… Le possible se trouve là. Comment l’échec pourrait-il devenir temporaire dans votre milieu?
8. Droit de me relever
Si l’échec devient temporaire, c’est que l’apprenant doit se relever. Ce n’est pas une option. C’est le contrat d’engagement. Accepter l’échec temporaire, c’est choisir de placer l’apprenant au centre de son apprentissage. C’est vivre pleinement le « Ici, on apprend! ». Vous voulez augmenter le taux de réussite dans votre milieu? Permettez aux apprenants de se relever! Apprendre à se relever, c’est apprendre à accueillir son pouvoir d’action dans sa propre vie. Je me demande combien d’apprenants vont avoir la chance d’apprendre à se relever cette année, une année où le réflexe systémique va vouloir réduire les écarts?
9. Droit qu’on m’aide à voir le lien entre mes efforts et les résultats que j’obtiens
Si nous choisissions vraiment l’apprentissage, nous pourrions amener les apprenants à voir le lien entre leurs efforts, les stratégies qu’ils utilisent (efficacité) et les résultats qu’ils obtiennent. C’est un peu la morale de La Cigale et La Fourmi. Combien d’apprenants ne comprennent pas comment ça fonctionne l’apprentissage ou la réussite scolaire? Certains croient même ceci : bonne note = mon prof m’aime; pas bonne note = mon prof ne m’aime pas. Wow. Imaginez le sentiment d’autonomie ou d’efficacité personnelle de l’apprenant lorsqu’il comprend ce qu’il peut et doit faire pour apprendre. Ce n’est plus une question de chance mais une méthode bien précise qui est transférable à de nouveaux contextes. Liberté dites-vous?
10. Droit à une expérience d’apprentissage signifiante et stimulante
Pour inclure l’apprentissage, l’apprenant doit être engagé. La pertinence de la tâche aux yeux de l’apprenant influence beaucoup son niveau d’engagement, et donc, l’étendue de son apprentissage. « Est-ce que la tâche vaut mon temps et mon énergie? », pense-t-il. Les apprenants qui nous sont confiés sont de passage dans nos établissements. Les expériences d’apprentissage auxquelles ils seront exposés les aideront à prendre connaissance du monde qui les entoure (programme) mais aussi du monde qu’ils portent en eux (personnalisation). Au bout du compte, le but de l’éducation est d’amener les apprenants à se réaliser, à trouver leur place dans la société et à y contribuer, à leur façon. Pour y arriver, il importe d’inclure l’apprentissage pour tous. À quoi pourraient ressembler les expériences d’apprentissage des apprenants qui vous sont confiés cette année?
Imaginez, si tous les apprenants avaient ces droits dans nos établissements.
Imaginez ce qui se passerait si ces droits devenaient les principes directeurs de l’école d’aujourd’hui.
On peut espérer avoir une belle année et que les apprenants apprennent… On peut aussi choisir d’inclure l’apprentissage et la créer cette belle année.
Merci de vos commentaires et bonne rentrée!